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elle a ses dogmes, ses rites, son culte extérieur prescrit par des lois ; hors la seule nation qui la suit, tout est pour elle infidèle, étranger, barbare ; elle n’étend les devoirs et les droits de l’homme qu’aussi loin que ses autels. Telles furent toutes les religions des premiers peuples auxquelles on peut donner le nom de droit divin, civil ou positif. Il y a une troisième sorte de religion plus bizarre, qui, donnant aux hommes deux législations, deux chefs, deux patries, les soumet à des devoirs contradictoires, et les empêche de pouvoir être à-la-fois dévots et citoyens. Telle est la religion des lamas, telle est celle des Japonais, tel est le christianisme romain. On peut appeler celui-ci la religion du prêtre. Il en résulte une sorte de droit mixte ou insociable qui n’a pas de nom. »

Il y a quelque chose à redresser dans ces derniers mots de Jean-Jacques : la religion catholique ne s’est trouvée en lutte avec les pouvoirs politiques qu’en commençant à déchoir : elle voulait dominer les rois, et non pas partager la domination avec eux ; mais elle affecta plus qu’elle ne pouvait, et elle se vit précipiter, elle et le monde, dans des discordes et des divisions infinies, à force d’aspirer à une unité qui passait sa puissance. Alors, dès que le pape et l’empereur, dès que le pape et le roi de France, dès que le pape et le roi d’Angleterre guerroyèrent sur les choses religieuses et civiles, Jean-Jacques a raison, c’est quelque chose de mixte et d’insociable qui n’a pas de nom, c’est une perturbation de cette tranquillité des peuples tant célébrée par la religion catholique, qui se vante de pouvoir seule l’obtenir ; c’est une provocation irritante à s’engager dans des nouveautés.

Je viens de prononcer, monsieur, un mot fatal, nouveauté ! un mot qui trouble le monde, agite les esprits, remue les peuples, déplaît aux puissances : nouveauté ! ce qui n’a pas encore été dit, été fait, ce qui est inouï, inconnu, nouveau ; ce dont on ne sait rien encore, dont on ignore la valeur et les effets, ce qui est mystérieux, incalculable, ce qui échappe aux inductions les plus industrieuses ; voici l’ennemi du genre humain, ce qui est nouveau ! Sans lui, tout serait bien, paisible, clos, définitif, consommé : mais recommencer toujours,