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ROMANS DE LA TABLE RONDE.

romans, tout porte à croire que le sujet n’en fut jamais aussi populaire que celui des romans carlovingiens. Ils n’avaient pas, comme ceux-ci, une base, un point d’appui, dans les traditions nationales généralement répandues, traditions par elles-mêmes pleines d’intérêt et de poésie, et qui pouvaient, au besoin et jusqu’à un certain point, tenir lieu de génie au romancier qui les exploitait.

Ainsi donc, soit quant à l’argument et à la matière, soit quant à la destination et au mode de circulation, il y a toute apparence que les romans du cycle d’Arthur étaient moins populaires que ceux du cycle carlovingien. Or, il n’y a aucun doute que de ces différences fondamentales n’en résultassent d’autres dans le ton, dans le style, dans tout ce qui a rapport aux détails et au caractère de l’exécution poétique.

De ce qu’ils étaient moins faits pour être entendus que pour être lus, et lus par les personnes les plus cultivées de la société, il est évident qu’ils comportaient à un plus haut degré les recherches, les raffinemens de l’art en général, et le développement de tout ce qu’il pouvait y avoir d’individualité dans le génie des romanciers. Les finesses, les subtilités de diction et de pensée, les détails ingénieux, qui, à coup sûr, auraient été perdus pour un auditoire formé au hasard dans la rue ou sur la place publique, avaient toutes les chances possibles d’être appréciés par des lecteurs qui lisaient et relisaient à loisir, par des personnes d’un goût raffiné, qui se piquaient de sentir plus délicatement que la multitude.

De là la grande différence de style, de manière et de ton, qu’il est facile d’observer entre les romans de la Table ronde et les romans carlovingiens. Autant la narration de ceux-ci est généralement concise, brusque, sévère et vraiment épique, dégagée de tout mélange des sentimens personnels du poète, autant la narration des autres est détaillée, développée, entremêlée de traits lyriques qui la suspendent, la gênent, et auxquels on sent un poète qui raconte moins pour raconter, que pour faire remarquer la manière dont il raconte.

Des exemples peuvent être nécessaires pour faire mieux sentir