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LITTÉRATURE DANOISE.

Une des comédies d’Holberg, par laquelle je terminerai cette revue incomplète et rapide, est une parodie bouffonne et spirituelle des pièces imitées de l’allemand, qui étaient en vogue avant lui en Danemark, et que de son temps on voulait opposer à son théâtre, formé par des acteurs français, sous l’inspiration de la comédie de Molière. Il se moque fort gaîment de cette forme irrégulière, qui était partout celle de l’art dramatique à la fin du moyen âge, que dédaigna en France le génie délicat de Racine, et que le génie puissant de Shakespeare sut élever à la hauteur de l’art. Nous aurions un théâtre plus libre que le nôtre, et plus épuré que la scène anglaise, si le grand Corneille ne s’était pas laissé imposer, par la pédanterie tranchante et l’érudition superficielle de ses critiques, des chaînes qui n’étaient pas faites pour lui. Au reste, les pièces qu’attaquait Holberg étaient bien dignes de sa satire. La bouffissure et la trivialité du langage, l’incohérence des caractères et la fausseté des sentimens n’y étaient pas poussées moins loin que l’absence de vérité et de vraisemblance : ce n’était pas Shakespeare, c’était Jodelle.

Cette fois Molière ne fut pas son modèle : il semble s’être souvenu davantage de ce théâtre italien, qu’il fréquentait pendant son séjour à Paris. Dans sa libre humeur, il se joue, à l’imitation de ceux qu’il persiffle, des temps et des lieux, du possible et du vraisemblable. Vénus, Ulysse, Holoferne, Markolfus, Mithridate, des paysans, des juifs et un valet ridicule, un espace de quarante ans et la terre entière, c’est de tout cela que se compose sa pièce, qu’il appelle une comédie allemande. Il se moque avec beaucoup d’imagination des travers et des égarements de l’imagination ; en amusant de l’absurdité qu’on rencontre trop souvent dans le genre de composition qu’il combat, sa pièce procure l’espèce de plaisir qu’elles peuvent quelquefois donner.

Au milieu de toutes les extravagances qu’il accumule, Chilian, le Frontin d’Ulysse, fait ses observations sur la manière dont les années s’écoulent. « Si du moins, dit-il, je trouvais une prise de tabac pour me rafraîchir l’esprit ! car il me semble avoir la fièvre au cerveau. Je suis sûr que, quand mon maître va reve-