opération mystérieuse, il n’avait cessé de proférer des mots entrecoupés dans une langue inconnue, celle sans doute de sa terre natale.
En ce moment, je fis un mouvement involontaire. Il jeta un regard rapide de mon côté, et ses yeux rencontrèrent les miens. En un bond il fut sur moi, son sabre à la main. J’étais sans armes et me crus perdu. En me reconnaissant, la fureur qui brillait dans ses yeux s’éteignit. Il baissa son arme suspendue sur ma tête. — Maître, vous pas dire Cupidon là.
— Non, lui répondis-je, je ne te trahirai pas. Je suis égaré : montre-moi de quel côté est l’habitation.
— Vous bon blanc, Cupidon montrer vous chemin.
Il se mit à marcher devant moi, en abattant avec son sabre les lianes, les herbes, les broussailles qui nous barraient le passage. De temps en temps, il s’arrêtait et prêtait l’oreille ; mais tout était calme : quelques cris d’animaux troublaient seuls le silence du soir. Après une demi-heure de marche, nous parvînmes à un petit sentier à demi effacé, qui fuyait dans le bois. Cupidon s’arrêta.
— Vous suivre toujours, me dit-il, habitation là-bas. Vous pas gagner rien pour Cupidon?
Je lui offris quelques pièces de monnaie : il secoua la tête sans les prendre et disparut dans la forêt.
Je cachai, suivant ma promesse, cette rencontre au planteur. Le lendemain, au jour, je le vis entrer dans la chambre où je reposais encore : il était agité et pâle.
— Loureiro vient de faire une belle découverte, s’écria-t-il, voyez ce qu’il a trouvé sous la galerie, à la porte de la chambre où dort la petite négresse.
Je reconnus l’ouvrage de Cupidon. — Eh bien ! lui dis-je, que signifie cela ?
— Comment ! que signifie cela ? Un vrai sortilège, senhor, une œuvre du démon, auquel ce damné de Cupidon a vendu son âme. Il n’en faut pas davantage pour faire périr tous mes nègres, détruire mes plantations et m’envoyer moi-même dans l’autre monde.