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il ajouta avec un sentiment qui lui faisait honneur, qu’il eût bien mieux aimé donner cet argent aux pauvres soldats qui étaient à l’hôpital, où ils manquaient de tout.

Une dernière procession, dite procession de la résurrection, eut lieu le dimanche de Pâques, mais comme elle sortit à quatre heures du matin, je ne pus en être témoin ; elle dut, d’ailleurs, être plus ou moins semblable à celles que je viens de décrire.

J’ai observé ces cérémonies avec un vif intérêt, sans esprit de critique ou de prévention en leur faveur. Tout a été dit pour ou contre la pompe bizarre et les spectacles étranges qui les accompagnent, et qui sont si loin de nos mœurs actuelles. Je ferai cependant observer que si cette forme théâtrale, donnée au culte extérieur, tend à faire perdre de vue les dogmes et la morale d’une religion, l’une et l’autre ont dû, dans les commencemens, puissamment favoriser la conversion des Indiens, dont l’esprit grossier a besoin d’images sensibles. Dans la Colombie on la retrouve non-seulement dans les fêtes solennelles, mais encore dans les cérémonies des jours ordinaires. Chaque messe a son petit coup de théâtre, qui consiste dans l’apparition subite d’une sainte Vierge, d’un crucifix ou d’un Saint-Sacrement, entourés de cierges allumés, lorsque le prêtre monte à l’autel. Le plus souvent cela s’exécute au moyen d’un voile qui se lève tout d’un coup ; mais quelquefois c’est le tabernacle lui-même qui s’ouvre en deux, ou qui, tournant sur lui-même, présente son autre face.

Ce sont les Indiens qui fabriquent les nombreux mannequins qu’on voit figurer dans toutes ces cérémonies, et le talent dont ils font preuve à cet égard ne mérite guère d’éloges ; mais il n’en est pas de même pour tous les objets qui sortent de leurs mains. Ils taillent avec beaucoup d’adresse dans une espèce de noix de coco, dont l’amande est très blanche, de petites figures de saints et d’animaux, et ils font en bois de petites poupées qu’ils peignent ensuite et qui représentent parfaitement les costumes du pays. Toutes les branches d’industrie mécanique sont presque exclusivement exercées par eux dans le pays. Le reste de la classe ouvrière se compose de mulâtres et de nègres qui, pour la plupart, sont esclaves. Les objets qu’on y fabrique consistent en draps, cotonnades grossières, tapis, ponchos : c’est aux Indiens qu’est due l’invention des tissus imperméables au moyen de la gomme élastique. Ceux qu’ils fabriquent sont au moins égaux aux nôtres.

Outre les Indiens natifs de la province et qui y résident, on en voit d’autres à Quito, venus de loin, soit par curiosité, soit pour vendre quelques objets de peu de valeur. La plupart sortent de la province de Maynas, qui touche au fleuve des Amazones et fait partie de la Colombie. Leur costume est extrêmement pittoresque et consiste pour les deux sexes dans une espèce de tunique, faite d’une étoffe à carreaux, qui couvre le corps depuis le cou jusqu’aux genoux et laisse à découvert les bras et les jambes. Leur tête est également nue, et leurs cheveux longs