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HISTOIRE DU TAMBOUR LEGRAND.

Maintenant que je l’ai retrouvé, ma première enfance refleurit avec toute sa fraîcheur dans ma mémoire. Je suis redevenu un enfant, et je joue avec d’autres enfans sur la place du château, à Dusseldorf, au bord du Rhin.


Oui, madame, là je suis né, et je fais expressément cette remarque pour le cas où, après ma mort, sept villes, — Schilda, Kraehwinkel, Polkwitz, Bockum, Dülken, Goettingue et Schœppenstaedt, — se disputeraient l’honneur d’être ma patrie.

Dusseldorf est une ville sur le Rhin, où vivent seize mille personnes, où se trouvent en outre enterrées quelques centaines de mille autres personnes ; et parmi ces dernières, comme disait ma mère, il s’en trouve qui feraient mieux de vivre : par exemple, mon grand-père et mon oncle, le vieux M. de Geldern et le jeune M. de Geldern, qui étaient tous deux des docteurs si célèbres, qui guérirent tant de gens, et qui se virent cependant forcés de mourir eux-mêmes. Et la pieuse Ursule, qui me portait enfant sur ses bras ; elle y est aussi enterrée, et un rosier pousse sur sa tombe. — Elle aimait tant l’odeur des roses dans sa vie, et son cœur n’était que douceur et parfum de roses ! Le vieux et prudent chanoine est aussi là-bas, enterré. Dieu ! quelle mine chétive il avait, lorsque je le vis pour la dernière fois ! Il ne consistait qu’en esprit et en emplâtres ; cependant il étudiait jour et nuit, comme s’il eût craint que les vers trouvassent trop peu d’idées dans son cerveau. Et toi, petit Wilhelm, tu reposes aussi là, et moi j’en suis cause. Nous étions camarades d’école dans le cloître des Franciscains, et nous passions le temps à jouer de ce côté du cloître où la Düssel coule entre des murs de pierre, et je dis : « Wilhelm, va donc chercher ce petit chat qui vient de tomber dans la rivière. » — Et joyeusement, il mit le pied sur la planche qui traversait le ruisseau, tira le petit chat de l’eau, mais il y tomba lui-même, et lorsqu’on le retrouva, il était mouillé et mort. Le petit chat a vécu encore bien long-temps.

La ville de Düsseldorf est très belle, et lorsqu’on y pense de loin, quand par hasard on y est né, on éprouve un singulier sentiment. Moi j’y suis né, et il me semble alors que j’ai besoin de retourner tout de suite dans ma patrie. Et quand je dis la