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La belle Johanna était la cousine des trois sœurs, et je venais m’asseoir avec plaisir auprès d’elle. Elle savait les plus belles légendes, et lorsque, de sa main blanche, elle désignait, par la fenêtre, les montagnes où s’étaient passées toutes ces choses qu’elle racontait, j’étais tout-à-fait sous le prestige ; les vieux chevaliers sortaient distinctement des ruines de leurs châteaux, et leurs habits de fer retentissaient sous les coups qu’ils se portaient ; la nymphe du Rhin apparaissait sur le sommet de la montagne, et chantait sa douce et dangereuse chanson, et le Rhin murmurait d’un ton si grave, si calme, et à-la-fois si terrible, et la belle Johanna me regardait si singulièrement, d’un air si intime et si mystérieux, qu’elle semblait appartenir elle-même au monde fantastique dont elle contait les merveilles. C’était une fille pâle et élancée ; elle était mortellement malade, et toujours rêveuse, ses yeux étaient clairs comme la vérité elle-même, ses lèvres pieusement arrondies, et dans les traits de son visage, on lisait une grande histoire, mais c’était une sainte histoire, hélas ! — Quelque légende d’amour ? Je l’ignore, et je n’eus pas le courage de la lui demander. Quand je la contemplais long-temps, je devenais serein et tranquille ; c’était pour mon cœur comme un paisible jour de fête.

En de tels momens, je lui contais des historiettes de mon enfance, et elle m’écoutait toujours sérieusement, et si singulièrement ! Lorsque je ne pouvais me rappeler les noms, elle m’en faisait souvenir. Et lorsque je lui demandais avec étonnement d’où elle savait ces noms, elle me répondait en souriant qu’elle les avait appris des oiseaux qui venaient becqueter aux vitres de sa croisée, et elle voulait me faire croire que c’étaient les mêmes oiseaux que dans mon enfance j’avais achetés de mes épargnes aux impitoyables petits paysans qui les dénichaient, et que j’avais rendus à la liberté. Mais je crois qu’elle savait tout, parce qu’elle était si pâle ; et véritablement elle mourut bientôt. Elle savait aussi quand elle mourrait, et elle voulait que je la quittasse auparavant. Au départ, elle me donna ses deux mains. — C’étaient des blanches, des douces mains, et pures comme une hostie, — et elle me dit : « Tu es bon, mais quand tu deviendras méchant, songe à la petite Véronique qui est morte. »

Les oiseaux babillards lui avaient-ils aussi trahi ce nom ? Je m’étais souvent cassé la tête dans mes heures de souvenir, je n’avais jamais pu retrouver ce cher petit nom.