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POÈTES ET ROMANCIERS FRANÇAIS.

de tous les ouvrages de Mérimée. Sans doute il s’y rencontre des pages d’une nature exquise. Le sujet lui-même, indépendamment de l’exécution, est neuf et bien saisi. Ce n’est pas une donnée commune que la jalousie rétroactive. Les angoisses et les questions inquiètes de Saint-Clair sur l’origine du vase qu’il frappe crescendo, comme un tamtam, sont très habilement racontées. Mais les conversations du déjeuner ne valent rien. Le voyage d’Égypte est presque inintelligible pour ceux qui ne connaissent pas l’original. Le dénoûment ne dénoue rien : autant vaudrait Deus ex machina. À tout prendre, c’est un récit plein de coquetterie, de papillotage, de faux goût, et qui fait tache dans les œuvres sévères et châtiées de l’auteur. J’en suis vraiment fâché pour les dames de Paris ; mais la réputation exagérée qu’elles ont faite au Vase étrusque me prouve très clairement qu’elles ne se décident pas toujours, en pareille matière, par des raisons littéraires.

J’en dirai autant du Carosse du saint sacrement, de l’Occasion et des Mécontens. La Vision de Charles xi est racontée trop sommairement pour que la critique en fasse l’objet de ses blâmes ou de ses louanges.[1]

Les deux lettres de Mérimée sur l’Espagne sont bien écrites, mais ne sont peut-être pas aussi naturelles qu’on pourrait s’y attendre. L’esprit y gâte souvent l’émotion. Je trouve très inutile, de la part du narrateur, de s’excuser du plaisir qu’il a pris aux combats de taureaux, de citer saint Augustin, de s’excommunier, comme il fait, pour sa cruauté prétendue. Mon Dieu ! c’est un malheur sans doute, mais un malheur authentique, que les âmes les plus douces se plaisent au spectacle des luttes sanglantes. Les dames romaines ne rougissaient pas de s’asseoir au cirque, et les femmes de Paris, qui se pressent aux exécutions capitales, n’ont pas le droit de jeter la pierre aux femmes de Madrid.

  1. Ces diverses compositions de P. Mérimée, publiées d’abord séparément, sont réunies en un volume, qui paraît chez Fournier, libraire, rue de Seine, no 29, sous le titre de Mosaïque.