Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/572

Cette page a été validée par deux contributeurs.
568
REVUE DES DEUX MONDES.

Seigneurs, ore écoutez, s’il vous plaît, et oyez
Chanson d’histoire vraie ; meilleure n’en ouirez,
Car ce n’est point mensonge, ains fine vérité ;
J’en donne pour témoins évêques et abbés,
Moines, prêtres et clercs, et les saints vénérés.
En France, à Saint-Denis, le rolle en fut trouvé.
Vous en saurez le vrai, si en paix m’écoutez.

C’est à-peu-près ainsi, et avec le même vague, que s’expriment tous les romanciers carlovingiens, en s’adressant, au début, à leur auditoire. Mais, dans l’autre version du prologue, il ne s’agit plus vaguement d’un rolle, ou d’une chronique trouvée à Saint-Denis ; il s’agit d’une histoire trouvée à Paris sous l’autel, par un moine de Saint-Denis, nommé Riquier, qui avait été chevalier et clerc dans le monde, et qui mit cette chanson en mots vulgaires, par le conseil de Charlemagne, qui l’en avait chargé.

Dans tous les romans, ou, pour parler avec plus de précision, dans tous les manuscrits de romans carlovingiens, où il y a de ces tirades qui ne sont que des variantes plus ou moins marquées les unes des autres, il y en a toujours un grand nombre ; mais je n’ai ni la patience ni le loisir de vérifier dans quelle proportion elles s’y trouvent à la totalité du roman.

Les particularités que je viens de signaler dans divers manuscrits de romans du cycle carlovingien, suffiraient déjà, ce me semble, pour rendre non-seulement plausible, mais nécessaire, maintes conséquences curieuses pour l’histoire de l’épopée carlovingienne. Toutefois, je crois devoir citer encore un fait dont ces conséquences sortiront plus nettement encore que de tous les précédens.

Parmi les diverses compositions amalgamées dans cet immense roman de Guillaume-au-court-Nez, dont je vous parlerai tout-à-l’heure, il y en a une à plusieurs égards fort intéressante. C’est un roman qui se rattache à d’autres, mais qui en est parfaitement distinct, et forme à lui seul un tout complet, bien que très court ; car il n’arrive pas à dix huit cents vers. Je vous en reparlerai peut-être ailleurs ; il suffira