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le prologue des romans, que ces formules se rencontrent et sont le plus significatives.

Ainsi, par exemple, un romancier carlovingien ne manque jamais de s’annoncer pour un véritable historien. Il débute toujours par protester de sa fidélité à ne rien dire que de certain, que d’avéré. Il cite toujours des garans, des autorités, auxquels il renvoie ceux dont il recherche le suffrage. Ces autorités sont, d’ordinaire, certaines chroniques précieuses, déposées dans tel ou tel monastère, dont il a eu la bonne fortune d’apprendre le contenu par l’intervention de quelque savant moine.

La plupart des romanciers se contentent de parler de ces chroniques, sans rien préciser à cet égard, sans en indiquer ni le sujet ni le titre. D’autres, plus hardis et plus confians, citent en effet des chroniques connues, et les citent par leur titre. Ainsi, plusieurs se réfèrent aux chroniques de Saint-Denis. Quelques-uns s’appuient de l’ancienne et curieuse chronique intitulée : Gesta Francorum, et la citent sous son titre latin. D’autres, enfin, allèguent pour autorité des légendes (de saints) alors plus ou moins célèbres.

Que ces citations, ces indications soient parfois sérieuses et sincères, cela peut être ; mais c’est une exception, et une exception rare. — De telles allégations, de la part des romanciers, sont, en général, un pur et simple mensonge, mais non toutefois un mensonge gratuit. C’est un mensonge qui a sa raison et sa convenance : il tient au désir et au besoin de satisfaire une opinion accoutumée à supposer et à chercher du vrai dans les fictions du genre de celles où l’on allègue ces prétendues autorités.

La manière dont les auteurs de ces fictions les qualifient souvent eux-mêmes, est une conséquence naturelle de leur prétention d’y avoir suivi des documens vénérables. — Ils les qualifient de chansons de vieille histoire, de haute histoire, de bonne geste, de grande baronnie ; et ce n’est pas pour se vanter qu’ils parlent ainsi : la vanité d’auteur n’est rien chez eux, en comparaison du besoin qu’ils ont d’être crus, de passer pour de simples traduc-