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est indispensable d’y établir des sous-divisions dont le motif se présentera de lui-même dans le cours de la discussion.

Jusque-là, je me bornerai à observer d’avance, et comme un fait qui sera constaté plus tard, que les romans de Charlemagne et ceux de la Table ronde forment deux séries parfaitement distinctes, non-seulement à raison de la matière et du sujet, ce qui s’entend de soi-même, mais à raison de la forme, de l’esprit, du caractère poétique, et de la tendance morale, qui diffèrent d’une manière tranchée dans les uns et dans les autres. Et ces différences ne sont pas des différences transitoires, de pures différences d’origine qui s’effacent et disparaissent avec le temps. Ce sont des différences intimes, permanentes, en vertu desquelles les romans des deux séries coexistent sans se rapprocher, et conservent les uns et les autres, jusqu’à la fin, leur caractère propre, leur diversité originelle. — La discussion où je m’engage ne sera, pour ainsi dire, que la preuve et le développement de cette assertion. Mais, avant d’en venir à caractériser particulièrement les romans de chacune des deux séries, je crois bien faire d’indiquer certains rapports généraux qu’ils ont entre eux, certaines particularités qui leur sont communes, et à raison desquelles ils appartiennent tous à une seule et même littérature, à un seul et même système de civilisation.

Un premier point, et l’un des plus importans, c’est de savoir en quel sens et jusqu’à quel point on peut dire qu’il y a quelque chose d’historique, tant dans les romans épiques de Charlemagne, que dans ceux de la Table ronde : c’est un point sur lequel je reviendrai ailleurs, pour le considérer de plus près. — Je me bornerai ici à observer que les romans de l’une et l’autre classes ont de même un point de départ historique, se rattachent de même à des traditions européennes, à des noms donnés et consacrés par l’histoire.

Ceux de Charlemagne ont pour germe, ou pour noyau, les entreprises et les conquêtes, non-seulement de ce conquérant, mais des autres chefs de sa race. Ceux de la Table ronde supposent tous l’existence d’Arthur, le dernier prince des Bretons insulaires qui porta le titre de roi, et qui se distingua par les ef-