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au nom de Jésus-Christ, déposeront de la vanité de ce mensonge, ils s’y enfonceront toujours plus avant, et se feront ainsi la risée de ceux qui ont cherché l’histoire du christianisme autre part que dans Fleury et dans Bossuet.

J’arrive au fond du dogme, monsieur, et j’y trouve encore la même persévérance dans l’appropriation des idées d’autrui. Avec De Maistre et Bentham, Spinosa a le plus apporté dans les contributions forcées que le saint-simonisme a frappées sur toutes les écoles ; mais sentirons-nous beaucoup d’opportunité dans cette résurrection du panthéisme ?

Il y a deux pôles dans l’universalité des choses, le monde et l’homme, et ç’a été le travail des idées humaines de chercher la place de Dieu tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre de ces extrémités. L’Orient a absorbé la cause suprême dans la substance infinie ; la Grèce a sculpté la Divinité dans les variétés gracieuses de l’image humaine ; le christianisme a tiré son Dieu des entrailles d’une femme, l’a fait homme, et dès ce jour, Dieu et l’homme se sont tellement rapprochés, que désormais l’homme ne saurait plus consentir à perdre Dieu encore une fois dans les abîmes sans âme de l’infini. Depuis Jésus-Christ, le panthéisme n’est plus socialement possible : mais il s’est trouvé qu’au dix-septième siècle, un homme sorti de l’hébraïsme comme le fondateur du christianisme, un Juif, prenant en main la cause de l’univers et de l’infini, considérant la révélation chrétienne comme une solution trop légère parce qu’elle était trop humaine, replongea Dieu dans les profondeurs de la substance, et ne craignit pas de le dépayser, à la stupéfaction commune. Voilà pourquoi Spinosa est si grand ; il n’a pas hésité à rivaliser avec Jésus ; le Nazaréen avait annoncé Dieu homme, le Hollandais proclama le monde Dieu : c’est avec ces résolutions extrêmes qu’on remue l’espèce humaine : aussi le métaphysicien solitaire a ébranlé toutes les têtes de ceux qui pensent à la pensée ; seulement les sociétés qui vivent instinctivement ne se sont pas laissé distraire par ces gigantesques efforts de l’art métaphysique. Ils ne seront pas inutiles cependant ; ils auront remis en relief les parties idéales trop oubliées de la science et de la nature hu-