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SIGURD.

D’un air serein, Brunhilde alors se lève,
Revêt son casque et son armure d’or,
Se place sur son lit, rit une fois encor,
Et froidement se perce de son glaive ;
Puis dit à son époux : — Gunar, j’attends de toi
De ne pas rejeter mon unique prière.
Ce que je veux, promets-le-moi,
Cette demande est la dernière :

Qu’on dresse dans la plaine un bûcher large et haut,
Pour que nous ayons, moi, mes serviteurs, mes femmes,
Tous ceux qu’avec Sigurd doivent brûler ses flammes,
Autant de place qu’il nous faut.

Que l’on range à l’entour mes plus riches tentures,
Des boucliers de fer, des tapis, des armures,
Et des guerriers choisis entre tous mes guerriers ;
À côté du héros qu’on me brûle moi-même,
Et de l’autre côté les esclaves que j’aime,
Ses chiens dressés et ses bons éperviers ;
Que deux soient à sa tête et deux soient à ses pieds,

Et qu’on place entre nous, de peur qu’il ne me touche,
Son glaive redoutable à tous ses ennemis,
Puisque jamais il ne nous fut permis
De dormir dans la même couche.

Alors du Val-Halla la porte étincelante
Devant Sigurd et moi ne se fermera pas,
S’il s’avance entouré d’une escorte brillante,
Si tant de morts suivent nos pas.

J’ai dit la vérité, j’en dirais davantage
Sans le glaive. — Je sens ma blessure s’ouvrir ;
Ma voix faiblit, non mon courage ;
C’est ainsi qu’il fallait mourir.


j.-j. ampère.