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REVUE DES DEUX MONDES.

Le troisième est Guttorm aux obliques sourcils,
Pâle, féroce et timide.

Grani devant le seuil s’arrête en hennissant.
Sigurd s’avance vers la salle,
Et sous la porte colossale,
Le héros entre en se baissant.

Les trois Nifflungs lèvent la tête ;
La corne à boire dans leur main
Reste pleine à moitié chemin,
Et leur faim tout-à-coup s’arrête.
Sigurd parle : On m’a dit en un pays lointain
Qu’ici je trouverais des braves.
Levez-vous de votre festin
Et combattons, je suis certain
De vous tuer ou de vous faire esclaves.
Gunar, à ces mots tressaillant,
Presse son couteau sur son flanc ;
Hogni de son pied redoutable
Repousse et renverse la table ;
Et Guttorm dont le cœur, par la frayeur glacé,
En secret dans son sein frissonne,
Se cache au creux d’une colonne
Pour fondre comme un loup de son antre élancé,
Pour achever Sigurd quand on l’aura blessé.

Sigurd dit en riant : Aux animaux de proie
Nous allons préparer un grand sujet de joie.
Voyez autour du toit voleter ces corbeaux,
Au combat leurs cris nous excitent,
Écoutez, gaîment ils s’invitent
À se partager vos lambeaux.

Mais des Nifflungs Grimma la mère,
Pâle Vola[1], triste sorcière !

  1. Espèce de prophétesse ou magicienne dans la mythologie scandinave.