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LETTRES PHILOSOPHIQUES.

vingt-trois ans de guerre et quinze ans de paix nous ont fait connaître les douceurs du repos, et savourer les fruits d’une civilisation pacifique. N’ayez pas peur que la France renonce étourdiment à ses tranquilles travaux ; plus que jamais, elle a besoin d’avoir raison ; elle vous étonnera, elle vous a déjà étonné, monsieur, par sa patience et sa résignation ; on aura peu d’égards pour elle ; on se préparera par d’imprudentes insultes à des agressions ouvertes ; enfin on mettra un peuple qui ne passe pas pour saigner du nez dans la nécessité de se battre ou de vivre sans honneur : voilà, monsieur, comment éclatera la guerre, si elle éclate.

Si la guerre éclate, ce sera pour nous une guerre de liberté et de civilisation. Évidemment nous n’aurons voulu ni conquérir ni tyranniser personne, mais seulement jouir dans nos foyers d’une existence honorable, indépendante ; mais les agresseurs auront pris le courage qui se modère pour la faiblesse qui plie, la raison pour la peur. Tant mieux, nos mains même ensanglantées seront innocentes.

Si la guerre éclate, il faudra bien que la France s’y résigne et la soutienne : elle se rappellera qu’il est de la destinée de sa révolution de toujours triompher quand on l’attaque ; elle ira au combat la tête haute, le cœur léger, la conscience nette ; elle retrouvera ses plaisirs militaires, en défendant la plus juste des causes.

Si la guerre éclate, il faudra bien la considérer non pas comme le cataclysme où doit s’abîmer la civilisation française, mais comme la fournaise salutaire d’où elle doit sortir mieux trempée et plus forte. Elle n’aura pas été, de notre part du moins, une fantaisie : nous la prendrons pour un arrêt de la destinée. Elle ne sera pas une gloriole, mais un droit.

Le droit ! c’est lui qui bénira nos drapeaux et qui sacrera nos épées : il rendra saint et pur l’exercice de la force ; il nous soutiendra dans les revers ; il redoublera l’efficacité de la victoire, en la rehaussant de sa justice. Sans le droit, la force n’est que brutale et finalement impuissante ; sans la force, le droit est outragé, on le viole avec impunité ; mais, quand le droit et la force