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SIGURD.

Chacun s’assied à côté de sa lance ;
D’un bond au milieu d’eux s’élance
Grani, le roi des bons coursiers,
Et sous ses pieds la planche aux vagues aguerrie
Tremble et crie.

L’orage était aux cieux de nuages couverts,
Le vent du nord d’écume éclairait les flots verts.
Ces guerriers que nul vent n’arrête
S’embarquent pendant la tempête.
Grani, les naseaux entre-ouverts,
Secoue en hennissant sa crinière et sa tête.
Le vent redouble, il fait craquer les mâts,
Sigurd et ses amis ne s’en alarment pas ;
Quand la mer à plein bord entre dans leur navire,
On les voit, ces guerriers, la défier et rire ;
Semblables dans leur joie au blanc oiseau des mers
Qui, quand l’orage approche, en criant fend les airs ;
On les voit secouer, comme l’oiseau son aile,
Leurs pesantes peaux d’ours d’où la vague ruisselle.
De la foudre qui gronde à chaque roulement
Ils répondent en chœur par un long hurlement.

Il est nuit, la tempête a caché les étoiles.
Levez, cria Sigurd, levez toutes les voiles,
Le vrai fils de la mer la dompte en la bravant ;
Le lâche seul fuit le naufrage.
Notre pilote, c’est l’orage.
Allons où nous pousse le vent ;
Le vent nous jettera toujours sur quelque plage.

Courage, ô mon vaisseau, mon dragon bondissant,
Et si ton écorce fragile
Sait vaincre le flot rugissant,
Pour te payer ta course agile,
Je te ferai nager dans des vagues de sang.