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LA MORT DU DUC DE REICHSTADT.

être député quand il nous a fait l’honneur de le vouloir, grand Dieu ! Alors le mécompte l’a pris, lui aussi, comme s’il était un homme de juillet ou de la Bastille. Alors son dégoût s’est manifesté comme celui de Châteaubriand et de Byron s’est manifesté, par l’amour des voyages. Singulière agitation du cœur qui les pousse tous au-delà des mers à leurs premiers chagrins, ces favoris de la Muse ! Ils vont au loin, choisissant les pays déserts et malheureux, laissant de côté la molle Italie pour les sables du désert, les marbres de Venise pour les ruines de la Grèce, l’Arioste ou le Tasse, ou Dante encore, le poète des guerres civiles, le poète à la mode, pour Homère ou mieux encore pour la Bible, cette vieille et sainte poésie tombée de si haut et aussi durable que le soleil. Malheur aux révolutions qui dégoûtent le poète et qui le chassent de sa maison ! Malheur aux discordes civiles qui font du Dante un déserteur de grand chemin, qui jettent M. de Châteaubriand dans les forêts de l’Amérique et M. de Lamartine sur les rives du Jourdain, à ces rives du Jourdain où ceux qui portent une lyre la déposent aux saules du rivage et pleurent en se souvenant des malheurs de Sion !

Ainsi M. de Lamartine est parti, nous faisant ses adieux, à nous tous, qui l’aimons comme le père de toute poésie moderne. Adieu, poète ! Il ne s’est pas trouvé d’Horace chez nous, pour dire adieu au vaisseau de Virgile ! La poésie a manqué, même à M. de Lamartine, lui qui ne lui a jamais manqué !

Hélas ! s’il était parti quelques jours plus tôt, il eût rencontré dans sa route un autre vaisseau de Virgile, venant de Rome et portant Walter Scott, étendu sur son lit de mort. Que la mer doit être triste à présent, en voyant se renouveler tous les tristes pèlerinages du temps des Stuart, pèlerinages de rois, pèlerinages de poètes ! Ceux-ci vont en exil ; celui-là retourne à Abbotsford, pour y mourir. Et puis les uns et les autres ont parlé de vers et de gloire ! Deux vains sons ! Il n’y a qu’une poésie qui aille à notre époque, cette époque qui a tant épuisé le Te Deum. Cette poésie, c’est le de Profundis ! Goëthe meurt en Allemagne,