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guerrière, la France éclatante, la France du midi et du nord, la France d’Italie et de Moscou ; cherche-la ! Elle a duré moins que ton père ; elle s’est affaissée plus vite que ton père, elle a poussé en mourant un moins grand cri que ton père quand il est mort. Cherche-la ! cherche la France de l’Empire ! À peine ton père a-t-il tourné le dos, que délivrée de ce regard de démon, ce regard qui la maintenait, elle a rejeté ses armes bien loin d’elle. Puis elle a pris un bréviaire, et elle s’est mise à prier en mauvais latin, le seul latin qu’elle pût comprendre. Depuis ce temps, la France n’a plus fait de bruit qu’une seule fois, au mois de juillet, un grand bruit de pavés, et c’est là tout. — Cependant le jeune Napoléon marche toujours.

En même temps dans la vieille Édimbourg, hors du château où Jenny Deans entra si résolue et si timide, par le fossé bourbeux qui sépare la Dette du reste de la ville, un jeune homme, l’autre héros de notre roman, s’échappe aussi des mains de son gouverneur. Le matin, il a dit adieu à sa sœur, il a posé ses lèvres sur la main de sa noble mère, il a salué l’imbécille vieillard qui les a réduits tous à habiter un lieu d’asile comme de jeunes dissipateurs ; il s’est agenouillé sur le seuil où dort sa tante, sa tante si bonne et d’un si tendre cœur pour lui enfant, et qui lui paraît terrible, à lui enfant, à force de malheurs. Il quitte toute sa triste famille. Il saute à pieds joints sur toute cette race de saint Louis, entassée là en monceaux sans gloire et sans renom, et sans pitié, hélas ! Le voilà dehors ! En avant, toi aussi, jeune homme ! En avant, jeune homme, échappé, toi aussi, à l’aristocratie de tes gardiens ; aristocratie plus enracinée encore que celle de M. de Metternich, qui pourtant est un noble plébéien. En avant ! Le voilà qui s’en va hors du siècle de Louis xiv, hors du règne de Louis xv, hors de tout cet espace de royauté absolue et impossible, qui finit à 89, et qu’on lui a fait sans doute parcourir avec tant de soin et d’éloges ! En avant donc, mes jeunes compagnons, et bon voyage à tous les deux !

Oui, à tous les deux bon voyage, jeunes gens ! oui, à tous les deux bon voyage ! Nous vous saluons nous autres tous les deux, vous nos frères ! vous dont nous avons célébré la naissance ; toi,