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est en même temps son point le plus culminant, il s’est pris à l’idée même de la loi, du législateur, du pouvoir législatif, de l’ouvrier divin, social, politique, qui forme une société, l’éduque, la développe, la morigène, et la conserve. Dans la Judée, pays intermédiaire entre ce que l’Orient a de plus profond et de plus intime, et l’émancipation occidentale, Jehova, principe actif, Moïse, représentant de ce principe, une théocratie politique et presque libérale ; une loi, une, étroite, logique, humaine cependant ; des textes, aliment séculaire de la pensée et de la foi de l’Occident ; une histoire de peuple et une lettre symbolique qui enfante le christianisme : dans la Grèce, nouveau passage de l’Orient à l’Occident, deux races, la Dorienne et l’Ionienne ; deux peuples, le Spartiate et l’Athénien ; deux théâtres le Péloponèse et l’Attique ; deux génies, le traditionnel et le libéral, le laconique et l’oratoire ; une loi muette, une législation démocratique et parfois bavarde ; le Dorisme enfin, représentant et dépositaire d’une nationalité et d’une religion qui meurt dès que leur premier moule est brisé ; l’Ionie, au contraire, libre et infinie comme sa mer, dotant Athènes de Salamine et de Thémistocle, l’humanité d’une imagination sans bornes, et sachant la consoler de la démolition parricide des murs de la ville de Minerve, par une émancipation illimitée du génie philosophique qui prend son vol vers l’Italie : la ville de Romulus également en proie à une terrible lutte ; Romulus et Remus, le patriciat et la plebs, l’aristocratie et la démocratie, le sénat et la commune ; la liberté ardente, aventureuse et dévouée du tribunat, les Gracques, Marius qui les venge, Sylla qui détruit l’ouvrage de Marius, César qui en relève les statues, Pompée, personnage fastueux et médiocre qui ne sut rien prévoir, et ne sut rien défendre, comme l’a dit ailleurs M. Lerminier ; la vieille civilisation romaine se remettant tout entière à la monarchie hypocrite d’Octave ; la liberté antique se déchirant les entrailles avec Caton, et n’étant plus séparée du christianisme que par le développement philosophique du droit romain, et par le stoïcisme ; et par-dessus tout cela, au-dessus de ces scènes variées, pittoresques, l’esprit progressif de l’humanité, jamais perdu de vue, toujours suivi, toujours considéré, toujours ramené à l’œil de l’auditoire, toujours rendu à l’anxiété du spectateur : voilà ce que, l’hiver dernier, M. Lerminier a peint et développé. Ce n’est que la moitié de sa tâche, il lui reste le monde moderne à parcourir, au flambeau de la même idée. Il a remis cette œuvre à l’hiver prochain, et il a consacré le cours d’été à l’examen de cette question : De l’influence de la philosophie du dix-huitième siècle sur la législation du dix-neuvième.

Montrer que le caractère du dix-neuvième siècle est d’être philosophique entre tous les siècles, de croire à la philosophie, et d’opérer par sa philosophie ; que si le dix-septième siècle a mis dans la diplomatie et les constitutions l’héritage du seizième, a établi politiquement les monarchies, a développé sa science et la littérature, a élevé dans son sein quelques grands métaphysiciens isolés, Descartes, Mallebranche, Spinosa, Leibnitz, Locke, le dix-septième siècle n’a pas moins manqué de croyances générales philosophiques, étant livré tout entier, soit à l’esprit catholique ou monarchique, soit à une cer-