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Lorsque, au treizième siècle, l’Europe commençait à peine à sortir des ténèbres du moyen-âge, Léonard Fibonacci, Pisan, non seulement rendit populaires en Europe les chiffres indiens, que Gerbert et d’autres savans avaient déjà été apprendre des Arabes d’Espagne (sans qu’ils fussent cependant devenus d’un usage familier), mais aussi fut le premier qui introduisit parmi les chrétiens l’algèbre orientale, à laquelle il ajouta des découvertes importantes sur les séries et sur d’autres sujets difficiles. Si on examine les deux ouvrages de Léonard, qui gisent encore inédits dans la poussière des bibliothèques (sa Géométrie et son livre de l’Abbaco), on est frappé de la force d’esprit qui lui fit (seul entre tous) mépriser l’astrologie et les vaines sciences de ses maîtres mahométans, qui ont conservé long-temps après lui une si grande influence en Europe, pour ne s’occuper que de la science abstraite de l’étendue et des rapports algébriques des quantités. Pendant que Fibonacci ouvrait les portes à la science, Niccolo de Pise et Cimabuë hâtaient la renaissance des arts, et laissaient à Florence, à Pise, à Assise, à Bologne, de beaux modèles aux artistes futurs.

Vers la fin du douzième siècle, une nouvelle littérature s’était formée à l’extrémité de l’Italie. Ciullo d’Alcamo, Sicilien, qui paraît avoir vécu du temps de Saladin, est le premier poète italien dont les ouvrages soient parvenus jusqu’à nous. C’est une question qui a été discutée longuement, et qui ne nous paraît pas encore résolue, que celle de savoir si la langue italienne moderne prit une forme certaine d’abord en Sicile, ou bien si Ciullo, Jacopo da Lentino, Ruggerone da Palermo et les autres anciens poètes siciliens écrivaient dans la langue plus polie que parlait le peuple toscan. Quoi qu’il en soit, toujours est-il vrai que la poésie italienne se développa rapidement à la cour de Naples, que de fréquens rapports avec les Grecs et les Arabes avaient rendue peut-être la plus brillante et la plus polie des cours de la chrétienté. Les princes de la maison de Souabe cultivèrent avec succès la nouvelle poésie, et on doit probablement à cette circonstance la conservation des premiers monumens de la poésie italo-sicilienne, tandis que les plus anciennes poésies des au-