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SIGURD.

sans but en Allemagne, ne s’y rattache plus à rien. Tantôt ce sont les merveilleux habitans d’un pays inconnu, d’où Sigfrid a rapporté son trésor et son chaperon ; tantôt les Niebelungs sont les princes bourguignons meurtriers de Sigurd, et leurs chevaliers. Ce double emploi n’atteste-t-il pas une réminiscence vague de ce fait, que les Nifflungs étaient les ennemis de Sigurd, et, en même temps, l’oubli de ce qu’étaient les Nifflungs et Sigurd ?

On trouve çà et là dans cette partie de la tradition allemande quelques traits qui la rattachent à la Scandinavie. Ainsi Brunhilde est en Islande, au-delà de la mer. Le pays merveilleux des Niebelungs est une fois indiqué en Norwège[1]. La rareté même de ces traits isolés, qui ne semblent pas tenir au reste du récit, ou sont en contradiction avec lui, montre que l’histoire de Sigurd est venue au bord du Rhin d’ailleurs : ce sont des traces de contact avec les traditions scandinaves, que les peuples allemands ont oublié d’effacer.

Là où quelques faits ou quelques personnages merveilleux, appartenant à cette première partie, ont subsisté dans les Niebelungs, ils se sont dénaturés complètement et ont perdu tout leur caractère. Ainsi la Valkyrie, frappée par Odin pour lui avoir ravi un guerrier, endormie d’un mystérieux sommeil dans un palais qu’entoure une flamme divine, est devenue une simple guerrière, dont la conquête est une véritable aventure de chevalerie. Au lieu du changement de forme des deux héros, qui reportait aux antiques idées de la métempsycose, le chapeau magique, merveilleux subalterne et récent, et enfin des scènes naïves sans doute, mais comiques et quelquefois grotesques, résultant de ce merveilleux, voilà ce qu’on trouve dans la première partie des Niebelungs, voilà ce qu’on ne trouve pas dans l’Edda. C’est en dire assez pour cette première partie, dans laquelle des deux versions la donnée commune et primitive a été le moins altérée.

  1. Nieb., v. 2971. éd. Hagen, 1824.