Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/345

Cette page a été validée par deux contributeurs.
341
SIGURD.

poésie un personnage presque idéal, vint figurer naturellement à côté du héros par excellence, de l’ancien Sigurd[1] : il fallut peu de chose pour lier ces deux traditions. Une confusion de noms suffit. Brunhilde avait pour frère un Atli, nom indigène en Scandinavie, et qui figure dans une autre partie de l’Edda ; la ressemblance de ce nom avec celui d’Attila put suggérer l’idée de faire de Brunhilde la sœur du roi des Huns, et ainsi, tout ce qui concernait celui-ci se trouva rattaché à la légende de Sigurd ; l’histoire, devenue fabuleuse, s’enta de la sorte sur l’antique mythologie, mais non de manière à ce qu’on ne s’aperçût pas de l’hétérogénéité primitive des deux parties.

Ainsi se forme, par l’alliance de deux élémens originairement distincts, la légende qui fut le patrimoine commun des races germaniques et dont nous avons présenté les deux versions les plus célèbres : la version scandinave dans l’Edda, et la version allemande dans les Niebelungs. Comparons les deux versions.

VERSION SCANDINAVE.

Si l’on compare les chants héroïques de l’Edda aux Niebelungs, on est frappé de la différence de caractère qu’offrent les deux monumens, là même où la suite des événemens présente le plus de ressemblance. L’Edda est purement païenne. Les mœurs qu’elle peint sont les anciennes mœurs du Nord et à demi celles de l’Orient. Les sentimens de l’époque barbare s’y produisent dans toute leur rudesse et souvent dans toute leur atrocité, brusques, emportés, profonds.

VERSION ALLEMANDE.

Dans les Niebelungs, il y a un vernis de christianisme et de chevalerie sur ce fond sauvage. Çà et là percent bien des traits

  1. Il en fut de même à plusieurs degrés de Theodorik, d’Ermaurik et d’Odoacre.