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dant le jour et apparaissant en foule dans les premières heures de la nuit ; Cordoba offre tout cela comme Lima, Santiago et Buenos-Ayres. Son sol même se marie bien avec ses souvenirs de la civilisation arabe. Située sur les bords d’une vaste région sablonneuse et aride, qui, du pied des Andes, s’étend au loin dans toutes les directions, on n’aperçoit du haut de ses terrasses que de légères hauteurs de sable, couvertes d’arbrisseaux semblables à ceux de l’Afrique, et entremêlés de cactus, d’agaves et d’autres plantes grasses, qui ne se plaisent que dans les terrains rocailleux. Çà et là, quelques pâturages varient le tableau, et à l’horizon de l’ouest, à peu de distance, apparaît la Sierra, dont la chaîne noirâtre va rejoindre dans le nord les montagnes du Tucuman. Le Rio-Primero y prend sa source, et, après avoir baigné la ville, qui est située sur ses bords, se dirige à l’est, où il se perd dans les lagunes des Pampas. Ajoutez à cela un ciel d’une pureté inaltérable pendant presque toute l’année, dont l’aspect seul suffirait pour faire regretter la vie, et vous diriez que ville, paysage et ciel, tout a été transporté par une baguette magique de la patrie des Maures dans les plaines de l’Amérique.

Pendant les longues guerres de l’indépendance, Cordoba n’avait entendu que de loin le bruit des armes qui s’était concentré dans le Haut-Pérou et dans le Tucuman. Intermédiaire entre les provinces du nord et Buenos-Ayres, elle favorisait les relations entre ces pays éloignés et s’était enrichie par cette industrie paisible. Aussi la guerre civile qui venait d’étendre sa main sur elle, lui avait imprimé ce trouble mêlé d’étonnement d’un homme brusquement arraché à son sommeil. Le premier spectacle qui s’offrit à nous en y entrant fut celui d’une troupe de gauchos qu’un officier subalterne formait au maniement des armes ; ces nouveaux soldats paraissaient avoir besoin de longues leçons, car c’est pitié de voir un gaucho réduit à faire usage de ses jambes pour marcher ; séparé de son cheval, c’est un être incomplet qui se sent mal à l’aise sur le sol qu’il n’est pas habitué à fouler. La fonda où nous descendîmes était remplie de jeunes officiers, revêtus de brillans uniformes, qui nous entourèrent pour connaître les nouvelles que nous apportions sur la