Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/284

Cette page a été validée par deux contributeurs.
280
REVUE DES DEUX MONDES.

violence : on ne pouvait lui reprocher d’aimer à répandre le sang. Toutes les conspirations contre sa personne se résolvaient en amendes imposées aux coupables et tournaient au profit de son avarice, qui ne dédaignait aucun moyen de se satisfaire. Une ombre de chambre de représentans, qu’il avait conservée, sanctionnait toutes ses volontés et contribuait à assurer son pouvoir. L’importance de la province qu’il gouvernait le faisait regarder, malgré son peu de talent pour la guerre, comme le chef du fédéralisme dans l’intérieur, et celui dont la chute intéressait le plus le parti opposé. Le second de ces hommes était Quiroga. Bien différent du précédent, c’était un de ces esprits sombres et déterminés, dont la volonté inflexible marche à son but à travers le sang et le crime. La voix publique l’accusait de forfaits sans nombre, dont les plus anciens avaient souillé sa première jeunesse, et il en avait reçu le nom de Tigre de la Rioja. Cette malheureuse province gémissait courbée sous son joug de fer, et la mort était le prix de la plus légère atteinte à son pouvoir. Sa force, son adresse à cheval et dans tous les exercices du corps, son audace, et la terreur qu’il inspirait, lui avaient acquis un ascendant sans bornes sur les gauchos, toujours prêts à répondre à la voix du premier chef intrépide qui les appelle. Je l’ai vu de près, ce Tigre de la Rioja, et jamais passions plus tragiques ne se peignirent sur de plus nobles traits.

La faible armée commandée par le général Paz franchit, sans rencontrer d’obstacles, les cent soixante-quinze lieues qui séparent Buenos-Ayres de Cordoba. Bustos trahit, à l’approche du danger, toute l’irrésolution de son caractère et sa profonde nullité militaire. Il hésita jusqu’au dernier moment entre les deux partis, de combattre l’ennemi qui s’avançait, ou de l’accueillir sans démonstrations hostiles, espérant sans doute que cette soumission volontaire serait reconnue par le maintien de son autorité. Il ne se décida qu’en voyant Paz aux portes de Cordoba, et sortit à sa rencontre avec une faible troupe, que quelques coups de canon suffirent pour dissiper. Lui-même ne dut son salut qu’à la vitesse de son cheval, et perdit dans sa fuite ses papiers qu’il portait avec lui. Il gagna la Rioja, et Paz