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DU ROMAN INTIME.

moureux préféré est un jeune lord qui voyage avec un de ses parens pour gouverneur. Il aime Cécile, mais pas en homme fait ni avec de sérieux desseins ; aussi la tendre mère songe-t-elle à guérir sa fille, et cette courageuse fille elle-même va au-devant de la guérison. On quitte Lausanne pour la campagne et on se dispose à venir visiter la parente de France : voilà la première partie. La seconde renferme des lettres du gouverneur du jeune lord à la mère de Cécile, dans lesquelles il raconte son histoire romanesque et celle de la belle Caliste. Caliste, qui avait gardé ce nom pour avoir débuté au théâtre dans The fair penitent, vendue par une mère cupide à un lord, était promptement revenue au repentir et à une vie aussi relevée par les talens et la grâce qu’irréprochable par la décence. Mais elle connut le jeune gentilhomme qui écrit ces lettres et elle l’aima. On ne saurait rendre le charme, la pudeur de cet amour partagé, de ses abandons et de ses combats, de la résistance sincère de l’amante et de la soumission gémissante de l’amant. « Un jour, je lui dis : vous ne pouvez vous résoudre à vous donner et vous voudriez vous être donnée, — Cela est vrai, dit-elle ; et cet aveu ne me fit rien obtenir, ni même rien entreprendre. Ne croyez pourtant pas que tous nos momens fussent cruels et que notre situation n’eût encore des charmes ; elle en avait qu’elle tirait de sa bizarrerie même et de nos privations… Ses caresses, à la vérité, me faisaient plus de peur que de plaisir, mais la familiarité qu’il y avait entre nous était délicieuse pour l’un et pour l’autre. Traité quelquefois comme un frère ou plutôt comme une sœur, cette faveur m’était précieuse et chère ». C’était, comme on voit, à-peu-près la situation de la seconde nuit entre Ernest et mademoiselle de Liron : mais il n’y avait pas eu la première, et les mêmes raisons de patience n’existaient pas. Le père du jeune gentilhomme s’étant opposé au mariage de son fils et de Caliste, mille maux s’ensuivirent, et la mort de Caliste les combla. On ne lit toute cette fin que les yeux noyés de larmes aveuglantes, suivant une belle expression que j’y trouve.

Les Lettres de Lausanne sont un de ces livres chers aux gens