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roulement de tambour se fit entendre. Une compagnie de volontaires royalistes entra dans l’arène et la fit évacuer. Toute cette foule qu’ils chassaient devant eux, regrimpa bien vite alors dans le tendido, par-dessus la barrière.

Il faisait nuit. À peine déjà distinguait-on vaguement groupées par masses, les formes et les figures du peuple, encore entassé sur les gradins du cirque ; mais on y voyait luire et scintiller de tous côtés, comme des étoiles, les cigaritos allumés.

On tira bientôt un feu d’artifice au milieu de la place. C’était assurément un curieux et beau spectacle, lorsque les bombes éclataient, de voir soudainement éclairés, jaillir à-la-fois de l’obscurité, tant de milliers de visages rangés circulairement aux amphithéâtres, tant de milliers de regards levés en même temps vers le ciel.

Oui, tout ce spectacle était beau, car je le voyais avec Piedad, car je respirais son souffle, car son front touchait presque le mien, car j’étais assis sur sa chaise plus que sur la mienne, car nos mains se tenaient et nos doigts s’étaient entrelacés, car nous étions seuls, car la nuit était sombre.


XX.

Cependant tout était fini. Les tambours avaient battu la retraite. La foule se pressait aux portes et s’écoulait rapidement. Il nous fallait bien aussi partir. Nous descendîmes lentement.

— Vous m’aimez bien au moins, me dit avec passion la marquise, serrant fortement mon bras qu’elle avait pris.

Sa voiture nous attendait en bas. Lorsque le chasseur eut refermé sur nous la portière, je levai les glaces. L’air était devenu vif.