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STATUE DE LA REINE NANTECHILD.

tion ne prit jamais part, et qui ne dépassa pas un cercle fort circonscrit. À ce petit art de Fontainebleau, de Versailles, des salons de l’Hôtel de Rambouillet, de Trianon, il n’était pas besoin de ces grandes corporations religieuses et laïques, dont nous venons d’esquisser l’histoire, et qui, selon Jacques Cœur, n’élevèrent pas moins de dix-sept cent mille clochers en France : Pour asseoir MM. les architectes, peintres, sculpteurs, etc., du roi, il suffisait de quelques fauteuils dans un salon, d’une douzaine de cordons noirs pour les plus habiles ou les plus obséquieux, de quelques jetons pour les autres. L’art était arrivé à la plus pauvre et la plus étriquée de ses conditions : il était parvenu à l’ère des académies.

On me pardonnera de passer légèrement sur cette phase, d’ailleurs bien connue. Je n’ai pas la prétention d’écrire l’histoire, curieuse à beaucoup d’égards, de l’académie de Saint-Luc, fondée par François Ier, et qui, bientôt envahie par les communautés des maîtres peintres, des maîtres menuisiers et vitriers, fut enfin réorganisée décemment au dix-septième siècle, sur les justes réclamations de Le Sueur, de Dujardin, de Bourdon et de Mignard. Je ne veux faire qu’une observation : c’est qu’il y eut deux instans où l’art de la renaissance jeta un assez vif éclat (un instant sous François Ier, et un autre sous Louis xiv), et qu’à ces deux momens, l’architecture avait repris sur les autres arts la suprématie et l’ascendant qui lui appartiennent.

Cette unité que, durant les grandes époques, l’architecture imprima aux arts, comment une compagnie dont les membres n’ont pas une idée qui leur soit commune, prétendrait-elle à l’établir ? Par quel miracle une académie, qui ne peut accorder sur la moindre babiole les trente ou quarante têtes somnolentes qui la composent, pourrait-elle imposer un credo et un style d’art aux artistes et au public ? Aussi le corps qui devrait dicter la loi ne dicte-il rien, et la république étant partout et le commandement nulle part, force est à chaque artiste de se déclarer indépendant.

D’hiératique, de national, d’académique, l’art est ainsi devenu individuel.