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STATUE DE LA REINE NANTECHILD.


L’existence au moyen-âge de maçons libres et de franc-chanteurs ne peut être mise en doute. L’Allemagne et en particulier les bords du Rhin conservent mille traces de ces souvenirs auxquels l’imagination d’Hoffman a rendu récemment leur popularité. Au commencement du treizième siècle, plusieurs maîtres habiles, notamment ceux qui avaient contribué, avec Erwin de Steinbach, à la construction de la fameuse tour de Strasbourg, se constituèrent en société maçonnique, avant que de se répandre en France et en Allemagne. Ces maçons libres donnèrent à leur réunion le nom de Hutten, loge. Ils établirent entre eux plusieurs signes de reconnaissance, et prirent l’habitude de tracer certains emblèmes sur les monumens qu’ils élevaient. M. de Hammer cite plusieurs églises d’Erfurt où il a observé des symboles maçonniques ; il rapporte que dans l’église de Prague, bâtie vers 1250, on a remarqué, en 1782, vingt-quatre figures de franc-maçonnerie qui avaient été peintes sur le mur, et recouvertes ensuite d’un enduit de chaux[1].

La mollesse toujours croissante des gens d’église, l’abolition du servage, et la répugnance des ouvriers libres à se laisser conduire par les moines, firent que le clergé accepta sans déplaisir l’aide des maçons libres, et leur confia la construction des églises et des couvens. D’ailleurs, l’esprit du plus parfait catholicisme animait ces artistes séculiers. Si la sève ascendante du génie septentrional les poussait invinciblement dans ce système hardi et national qui contrastait si parfaitement avec l’architecture exotique de l’âge précédent, les maîtres en maçonnerie n’en conservaient pas moins religieusement toutes les dispositions essentielles de la basilique. Ils tenaient autant, et plus peut-être que le clergé, à maintenir tout ce qui, à l’intérieur ou à l’extérieur, avait un sens emblématique ou mystique. Ainsi, ne craignez pas que quelqu’un d’eux s’avisât de changer

    guides, s’occupe à réunir les matériaux d’une Histoire de l’art, où il exposera, avec détails et preuves, toutes ces révolutions curieuses dont nous ne présentons ici qu’une esquisse si imparfaite.

  1. De Hammer : Mysterium Baphometis revelatum. Viennae, 1818.