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STATUE DE LA REINE NANTECHILD.

près, datée par son costume. On regrette qu’elle ne soit pas, avec autant de certitude, signée du nom de son auteur.

Il en est des œuvres de l’architecture et de la statuaire au moyen-âge comme des épopées religieuses des siècles primitifs. Tous ces grands monumens sont sans noms d’auteur. C’est que ce ne sont pas des ouvrages individuels, mais des œuvres sociales auxquelles plusieurs générations ont mis la main. À peine si du onzième au treizième siècle, un ou deux noms de statuaires nous sont parvenus ; c’est qu’en effet, durant cette admirable période catholique, il n’y eut point d’artistes, point d’individus ; il n’y eut que des abbayes, des confréries, des monastères, où l’on mettait en commun non-seulement sa vie, ses biens, ses espérances terrestres, mais ses pensées, son âme, et, qui le pouvait, son génie. Seulement, vers le treizième siècle, l’art commençant à s’individualiser, quelques noms de maîtres viennent à poindre. Les livres et surtout les inscriptions sépulcrales commencent à parler. Nous apprenons, par cette voie, que Robert de Lusarche bâtit la cathédrale d’Amiens, en 1220 ; Pierre de Montereau, l’abbaye de Long-Pont, en 1227 ; Hugue Libergier, Saint-Nicaise de Reims, en 1229 ; et que Jean de Chelles éleva le portail latéral sud de Notre-Dame, en 1267. Nous connaissons assez bien, grâce à Joinville, Eudes de Montreuil, compagnon de saint Louis en sa croisade, lequel fortifia Jaffa, bâtit le chœur de Beauvais, Sainte-Catherine du Val des Écoliers, Sainte-Croix de la Bretonnerie et quelques autres églises de Paris, notamment celle des Cordeliers, où on l’enterra dans un tombeau sur lequel il avait sculpté son image. Ce que l’on sait avec non moins de certitude, c’est qu’à cette époque l’architecture et la sculpture ne faisaient encore qu’un seul art. Erwin de Steinbach, qui eut la plus grande part à l’érection de l’admirable cathédrale de Strasbourg, maniait le ciseau ; Sabina, sa fille, sculpta plusieurs figures du portail. Ce fait posé, il serait possible que Robert de Luzarche, Pierre de Montereau ou Hugues Libergier, eussent exécuté les figures de la chapelle sépulcrale de Dagobert. Nous penchons pour le plus ancien, et nous les attribuerions volontiers à Robert de Luzarche ;