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VOYAGE EN ANGLETERRE.

bien. Nous nous arrêtâmes les uns et les autres pour examiner la chute d’eau, et tandis que nos voitures étaient immobiles, la jeune fille regarda avec curiosité de mon côté, ce qui me fit sourire. L’ombrageuse Anglaise en fut très effrayée : elle rougit extrêmement et ne put s’empêcher, cependant, de rire de ma pantomime. En ce moment, mes regards tombèrent sur un monceau de belles fleurs de montagnes qui étaient posées devant moi, et que j’avais cueillies moi-même. Je déchirai une page de mon portefeuille et j’y écrivis ces mots : « M… se recommande respectueusement aux dames inconnues, et leur demande la permission de leur offrir deux bouquets cueillis sur la montagne ; il sollicite, en retour, de connaître le nom des aimables voyageuses que sa bonne étoile lui a fait rencontrer à Pont-y-Glen. » J’ordonnai à mon valet-de-chambre de porter ces fleurs, et je vis de loin, derrière mes stores baissés, que la plus âgée des deux dames le recevait avec un sourire satirique, et l’autre en rougissant. La réponse fut : « Très obligées. Les dames inconnues doivent rester incognito. Peut-être nous reverrons-nous à Londres. »

Le signal du départ fut donné ; nous échangeâmes encore quelques regards incertains, et nous nous dirigeâmes vers deux parties du monde opposées. N’était-ce pas là le commencement d’une jolie aventure ? Si j’étais encore un homme qui pût s’abandonner à ses fantaisies, j’aurais fait tourner aussi mes chevaux et j’aurais suivi la jeune fille jusqu’à… Mais ne parlons plus cela.

Les montagnes du pays de Galles ont un caractère tout particulier, leur hauteur égale presque celle des montagnes les plus gigantesques ; mais elles paraissent infiniment plus grandioses par leur forme. Leurs sommets sont plus riches, plus nombreux et mieux groupés. La végétation est aussi plus variée en plantes, bien que moins abondante en arbres. Il leur manque les bois sombres et majestueux de notre Rubezahl, et en quelques lieux l’industrie même a trop couvert la contrée de ses prodiges pour qu’elle soit bien pittoresque. En revanche, la région plus élevée de Capel-Cerring, jusqu’à quelques milles de Bangor, est aussi sauvage et rude qu’on peut le désirer, et de larges places de buissons fleuris, rouges et jaunes, garnis de fougère, et d’autres plantes qui ne croissent pas dans nos climats trop rigoureux, couronnent les montagnes et remplacent les arbres qui ne