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aussi singulière que peu remarquée, ce n’était plus de Rome ou d’Avignon, c’était de la cour de ces rois idolâtres que partaient d’abord ces sollicitations pour engager les rois chrétiens à venir à la délivrance du Saint-Sépulcre ; et lorsque Clément v prêcha cette grande croisade qui devait mettre la Palestine entre les mains des Francs, c’est qu’il avait vu à Poitiers des envoyés mongols, qui lui avaient appris qu’une paix générale venait d’être conclue entre tous les princes de la Tartarie, depuis la grande muraille de la Chine jusqu’aux frontières du pays des Francs. Cette circonstance permettait au roi de Perse de mettre à la disposition de Philippe-le-Bel, pour une expédition en Syrie, deux cent mille chevaux, deux cent mille charges de blé et plus de cent mille cavaliers tartares que le prince s’offrait de conduire en personne. La lettre, en langue mongole, relative à ces dispositions, est un rouleau de dix-huit pouces de haut sur neuf pieds de longueur, lequel existe encore aujourd’hui dans les archives du royaume. »

C’est pendant le cours de ces relations diplomatiques que nos Vénitiens étaient à la cour du grand Kan. On peut supposer même qu’ils avaient reçu quelques commissions particulières de l’empereur Beaudoin ii, dont la politique s’accordait alors avec celle de la république de Venise, ce qui motiverait la réserve avec laquelle ils rendent compte de leur réponse, et l’intérêt que le prince tartare leur témoigna sur tout ce qui touchait aux intérêts des chrétiens occidentaux.

Quoi qu’il en soit, ce que Marco Polo rapporte des questions qui lui furent adressées par Kublaï, joint à la découverte faite par M. Rémusat des relations officielles qui ont existé entre les princes tartares et les souverains de l’Occident, prouve qu’il y avait un fondement à ces discours vagues qui couraient dans toutes les bouches en Europe aux treizième, quatorzième et quinzième siècles. Il n’était question alors que d’un grand souverain dont les vastes états occupaient l’Asie centrale ; tous les auteurs écrivaient et chacun répétait que le grand Kan, attaché à la religion chrétienne, demandait instamment qu’on lui envoyât de Rome des missionnaires qui pussent instruire les peu-