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MŒURS DES AMÉRICAINS.

tour-à-tour et adoucissant leur agonie : J’entendais les mots : « ma sœur ! ma chère sœur ! » murmurés à l’oreille de ces malheureuses victimes ; je voyais des lèvres perfides toucher leurs visages ; je distinguais les paroles à peine articulées de leurs confessions, et la rougeur que produisaient sur leurs joues pâles les consolations à voix basse de leurs bourreaux. Homme, je n’aurais pu me contenir ; je serais intervenu. Il n’existe pas un Anglais qui fût capable de supporter patiemment une telle scène ; sa main obéirait à son indignation et frapperait les coupables, en attendant que la loi leur infligeât la punition plus sévère qu’ils méritent.

« Les pénitentes ne s’en tenaient pas toutes aux gémissemens inarticulés et à la confession à voix basse ; les paroles de quelques-unes se détachaient de temps en temps, sur cette basse confuse, en phrases sonores et distinctes ; et alors le comique le disputait à l’horrible.

« Les plaintes d’une très jolie fille agenouillée devant nous dans l’attitude de la Madeleine de Canova, attirèrent principalement mon attention. Après avoir débité une quantité incroyable de jargon méthodiste, elle fondit en larmes et s’écria : « Anathème ! anathème sur les apostats ! Écoute, écoute, ô Jésus ! lorsque j’avais quinze ans, ma mère mourut, et j’apostasiai ; ô Jésus ! j’apostasiai ! Réunis-moi à ma mère, ô Jésus ! réunis-moi à ma mère, car je suis fatiguée. Ô John Mitchel ! John Mitchel ! » Et après avoir sanglotté dans ses mains, elle montra de nouveau sa figure charmante, pâle comme la mort : « Oh ! quand serai-je assise sur le rivage de l’autre monde avec ma mère ! ma mère, ma chère mère ! ô Jésus ! réunis-moi à ma mère ! »

« Qui aurait pu refuser une larme à ce désir passionné de la mort dans une créature si jeune et si belle ! Mais le lendemain, avant mon départ, je la vis, la main entrelacée dans la main, et la tête appuyée sur la poitrine d’un homme, qu’on aurait pris pour Don Juan, renvoyé sur cette terre comme un être d’une trop méchante nature pour vivre avec les démons eux-mêmes.

« Une autre femme, placée aussi près de nous, ne cessa pas une minute, pendant plus de deux heures que nous fûmes là, d’ap-