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CONSULTATIONS DU DOCTEUR NOIR.

et tu baiseras ardemment ces mots superbes et magiques pour toi : Les troupes de Robespierre !

Après sa petite comédie et la mienne, il se leva et marcha dans sa chambre en agitant convulsivement ses doigts, ses épaules et son cou.

Je me levai et marchai à côté de lui.

— Je voudrais vous donner ceci à lire avant de vous parler de ma santé, dit-il, et en causer avec vous. Vous connaissez mon amitié pour l’auteur. C’est un projet de Saint-Just. Vous verrez. Je l’attends ce matin, nous en causerons. Il doit être arrivé à Paris à présent, ajouta-t-il en tirant sa montre ; je vais le savoir. Asseyez-vous et lisez ceci. Je reviendrai.

Il me donna un gros cahier, chargé d’une écriture hardie et hâtée, et sortit brusquement comme s’il se fût enfui. Je tenais le cahier, mais je regardais la porte par laquelle il était sorti et je réfléchissais à lui. Je le connaissais de longue date ; aujourd’hui je le voyais étrangement inquiet. Il allait entreprendre quelque chose ou craignait quelque entreprise. J’entrevis, dans la chambre où il passait, des figures d’agens secrets que j’avais vues plusieurs fois à ma suite, et je remarquai un bruit de pas comme de gens qui montaient et descendaient sans cesse depuis mon arrivée. Les voix étaient très basses. J’essayai d’entendre, mais vainement, et je renonçai à écouter. J’avoue que j’étais plus près de la crainte que de la confiance. Je voulus sortir de la chambre par où j’étais entré ; mais soit méprise, soit précaution, on avait fermé la porte sur moi, j’étais enfermé.

Quand une chose est décidée, je n’y pense plus. Je m’assis et je parcourus ce brouillon avec lequel Robespierre m’avait laissé en tête à tête.


CHAPITRE XXXI.
Un législateur.

Ce n’étaient rien moins, monsieur, que des institutions immuables, éternelles, qu’il s’agissait de donner à la France, et les-