Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/682

Cette page a été validée par deux contributeurs.
676
REVUE DES DEUX MONDES.

de livres avaient été envoyées, des professeurs étaient engagés ; il ne manquait plus à Nashaboa que des enfans et miss Wright. Aussi était-elle très impatiente d’arriver, et mistress Trollope, qui lui avait promis de passer un mois avec elle dans son établissement, ne put demeurer que quelques jours à la Nouvelle-Orléans. Ces dames s’embarquèrent donc le 1er janvier 1828, sur un bateau à vapeur, et remontèrent le Mississipi jusqu’à Memphis, point le plus rapproché de Nashaboa, où elles eurent grand’peine à se rendre à travers des forêts sans chemins, et des ruisseaux sans ponts ni bacs. Le spectacle qui les y attendait répondait si peu aux brillantes illusions de miss Wright, que mistress Trollope reconnut au premier coup-d’œil l’imprudence de sa promesse. Le défrichement n’offrait à la vue que des troncs noircis, un terrein inculte, des hangars en bois désolés, et tout autour l’effrayante profondeur de la forêt animée seulement par les cris sauvages des bêtes féroces. Cette terre, qui voyait le soleil pour la première fois, exhalait des vapeurs qui donnaient la fièvre. Tous les blancs l’avaient, et mouraient de peur et d’ennui. Un tel séjour convenait peu à de belles dames accoutumées à la vie délicate des salons aristocratiques de Londres. L’ardente imagination de miss Wright elle-même ne résista pas à l’aspect de ce lieu sauvage ; peu de mois après, elle avait rendu Nashaboa à ses propriétaires naturels, et se livrant à une autre mission, courait les villes de l’Amérique, donnant des séances publiques où elle enseignait les fondemens de la certitude et les droits imprescriptibles de l’homme. Mistress Trollope ne l’attendit pas. Elle prétexta des craintes pour la santé de ses enfans, et après dix jours qui lui parurent bien longs, elle regagna Memphis, où elle s’embarqua de nouveau, le 1er février, sur un bateau à vapeur qui la déposa le 10, sur le quai de Cincinnati. C’est dans cette métropole de l’ouest qu’elle passa deux ans, tantôt à la ville, tantôt à la campagne, et qu’elle eut le temps de faire connaissance avec les mœurs des Américains. Elle y fut rejointe par son mari et son autre fils qui la quittèrent bientôt. Enfin, l’établissement essayé par son fils n’ayant point réussi, elle quitta elle-même Cincinnati avec ses enfans, au mois de