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noms tels que ceux de Volta, Scarpa, Oriani, Monti, Longhi, etc., et dans laquelle le grand capitaine lui-même avait voulu être inscrit, pouvait disputer la prééminence à tous les autres corps savans de l’Europe. Mais depuis tout a changé. Soit que la révolution de 1821 ait éveillé la méfiance de la maison d’Autriche, soit, comme d’autres l’ont prétendu, que le conseil aulique n’ait jamais abandonné la pensée d’ôter à Milan sa suprématie, toujours est-il vrai que toute centralisation a disparu, et avec elle tout principe d’action et de vie. Le vice-roi demeure presque continuellement à Monza ; le sénat et le général résident à Vérone ; le bâton du commandement est à Vienne. Il n’y a plus de lien ni d’ensemble, et si on a consenti à laisser debout l’Institut italien, c’est à condition qu’il ne se recruterait plus. Maintenant on assiste à son agonie, et l’instant de son anéantissement est marqué dans un avenir prochain.

Quoique privé aujourd’hui de son plus grand éclat, Milan renferme encore des hommes du premier ordre : à leur tête brille Manzoni. Ayant perdu son père de bonne heure, Manzoni reçut par les soins de sa mère, femme d’un grand mérite, et fille du marquis Beccaria, auteur du fameux Traité des délits et des peines, une éducation fort distinguée : il passa avec elle à Paris une partie de sa première jeunesse, et rentra en Italie avec beaucoup d’idées françaises, qui n’excluaient pas cependant une dévotion forte et sincère. Poussé par ses inspirations, Manzoni devint le poète de la religion, mais de cette religion qui secoue les préjugés du vulgaire pour s’élancer vers la source de la vertu, du génie et de la liberté. Il a épanché sa piété dans des hymnes à la Vierge, pleins de suavité ; il a chanté la religion du génie dans sa belle ode sur la mort de Napoléon. Manzoni a écrit deux tragédies, le Carmagnola et l’Adelchi. Ces deux ouvrages, qui renferment de grandes beautés, mais dans lesquels l’auteur a violé les règles des trois unités, furent attaqués par les partisans d’Aristote, et trouvèrent un digne défenseur dans Gœthe. Ce grand poète publia en Allemagne une analyse raisonnée du Carmagnola qu’il plaçait parmi les chefs-d’œuvre du théâtre moderne. Après Carmagnola, la réputation