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et sérieux, éclairés par la triste lampe des mineurs, qui tous avaient passé solitairement cette longue journée dans les recoins de ces profondeurs, et qui soupiraient en ce moment avec impatience pour la lumière du jour et la vue de leurs femmes et de leurs enfans.

Mon Cicerone lui-même était un pieux et honnête Allemand, de la nature d’un Allemand, ou, ce qui est la même chose, de la nature d’un caniche. Il me montra avec une satisfaction visible le carrefour où le duc de Cambridge, vice-roi du Hanôvre, avait dîné avec toute sa suite, lorsqu’il avait visité la mine, où se trouvent encore la longue table de bois et le fauteuil qui ont servi au duc. « Ils resteront comme un souvenir éternel », me dit l’honnête mineur. Il me conta aussi avec feu combien de fêtes avaient eu lieu, comment toute la galerie avait été ornée de lumières, de fleurs et de feuillage, comme quoi un mineur avait joué du cistre et chanté, comment le joyeux, cher et gros duc avait bu beaucoup de santés, et comment tous les mineurs et mon guide lui-même se feraient tuer volontiers pour le cher et gros duc et pour toute la maison de Hanôvre. C’est une belle chose vraiment que la fidélité allemande !

Notre lumière nous guida enfin à travers le labyrinthe des galeries et des carrefours jusqu’à la lumière plus réjouissante du soleil. Je lui criai aussi la bien-venue !

La plupart des travailleurs aux mines demeurent à Clausthal et dans le petit bourg de Zellerfeld, qui y touche. Je visitai plusieurs de ces braves gens. J’examinai leur aménagement intérieur ; je les entendis chanter plusieurs de leurs chansons, qu’ils accompagnent fort bien avec le cistre, leur instrument favori ; je me fis raconter leurs légendes de montagnes, et j’écoutai, en les répétant avec eux, les prières qu’ils disent en commun avant que de descendre dans le gouffre où ils se plongent chaque jour. Quelque paisible que soit en apparence la vie de ces gens, c’est cependant une existence fort animée. La vieillesse seule jouit d’un calme sans mélange. La vieille grand’mère tremblante, que je trouvai assise vis-à-vis de la grande armoire, derrière le poêle de fer, était sans doute là depuis un quart de