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tous les âges et sous tous les climats, parce que les jours effrayans dont nous avons été témoins, et la vile ambition qui élève entre l’homme et ses espérances un mur d’airain, le dernier et ignoble spectacle enfin que nous avons vu, sont devenus les prétextes de l’éternel asservissement qui flétrit l’arbre de la vie et rend plus funeste encore que la première cette seconde chute de l’homme. »


98.

« Cependant, liberté ! cependant ta bannière déchirée, mais avançant toujours, marche comme la nuée qui porte le tonnerre, en luttant contre le vent. Ta voix retentissante comme la trompette, quoique aujourd’hui brisée et expirante, retentira plus forte après l’orage. Ton arbre a perdu ses fleurs, et son écorce, mutilée par la hache, n’offre plus aux regards que de sanglantes cicatrices ; mais la sève lui reste encore, et sa semence a été déposée profondément, même dans le sein des terres du nord ; ainsi un printemps plus heureux fait espérer des fruits moins amers.[1] »


Oui, nous pouvons répéter ce cri du poète : cependant, liberté ! cependant ta bannière déchirée, mais avançant toujours marche comme la nuée qui porte le tonnerre, en luttant contre le vent. Voilà ce qui ne meurt pas, voilà ce qui survit toujours pour se relever et vaincre, voilà ce qui seul vaut la peine qu’on s’y dévoue : c’est la liberté ! Sauvons notre foi de l’épreuve des plus tristes souvenirs. Laissons en paix à jamais la Convention et ses terribles montagnards ; ils appartiennent au passé qui est irréparable et à l’histoire qui est intègre. Vous m’avez paru choqué, monsieur, de ce qu’ici quelques jeunes gens s’étaient pris d’enthousiasme pour Robespierre ; mais n’avez-vous pas eu en Alle-

  1. Traduction de M. Paulin Paris, de la bibliothèque du roi, tome 3, pages 244, 245.