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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

lecteurs de Londres et d’Édimbourg, tout à-la-fois avide et paresseuse, les principaux et les plus dramatiques épisodes de l’histoire d’Écosse et d’Angleterre, sous une forme tantôt épique, comme la passe d’armes d’Ashby et la mort de Reginald Front de bœuf, tantôt romanesque, comme le croisé soigné par Rebecca, avaient détrôné, sans retour, miss Burney et Anne Radcliffe. L’Angleterre, la France, l’Italie et l’Allemagne, en suivant les traces de l’illustre romancier sans pouvoir marcher du même pas que lui, avaient trouvé le déplorable secret de rendre triviale une route qui n’était familière qu’à celui qui l’avait frayée. L’école historique vieillissait ; les oisifs et les studieux d’Europe étaient rassasiés de tournois, de hauberts et de gantelets. Les poétiques descriptions de la vie des clans ne réussissaient plus qu’à grand’peine à prolonger la veillée.

Au milieu de pareilles circonstances, Pelham, par le choix du sujet, le talent des détails, et la position personnelle de l’auteur, membre de la chambre des communes, devait avoir tous les caractères d’une réaction, et en effet la réaction se fit ; on vit éclore à la suite de M. Bulwer une foule de romanciers dandies, comme on avait vu à la suite de W. Scott naître des chroniqueurs.

Mais il est arrivé aux courtisans des deux rois ce qui arrive trop souvent, lorsque le chef d’une dynastie littéraire témoigne en toute occasion la franchise la plus ouverte, sans livrer cependant le mot d’ordre qui doit leur ouvrir toutes les portes du palais. Ils ont cru qu’il suffisait de mettre à chaque chapitre une course de chevaux, un rout, un duel, des créanciers ou un divorce, comme les premiers avaient cru que Hollinshed et Camden devaient les dispenser de tout effort d’invention.

Or, à l’heure qu’il est, Pelham, comme Ivanhoë, n’a encore enfanté que de plates imitations, qui ne l’ont pas fait oublier.

Si W. Scott et Bulwer, au lieu d’écrire ou de dicter les livres auxquels ils doivent leur gloire, sans s’inquiéter des redites, de la diffusion, de la longueur et des ambages de leurs descriptions et de leurs dialogues, sans chercher dans la peinture de leurs caractères, dans la marche des scènes où ils les placent, une