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qui rampent dans leurs liturgies, tristes et caverneuses avec les serpens de l’Abyssinie, d’autres qui hennissent altérées d’avenir dans leurs prophéties, et qui frappent de la corne de leurs pieds la terre promise avec le cheval de Juda, d’autres qui s’accroupissent dans leur éternité avec les sphynx et les canopes du Nil. Ce n’est point l’orient naïf et matinal, qui se lève de son lit, comme un enfant dans la première nuit de l’univers, pour appeler son père. C’est un orient refait, transfiguré, un orient savant, ressuscité de son sépulcre, pour s’expliquer son enfance par sa vieillesse, son Eden par son Alexandrie, et son berceau par sa tombe. Tous ces cultes qui se suivent à des siècles d’intervalle forment entre eux une procession infinie qui va à la même fête, et un catholicisme païen qui chante par des voix de peuples son hosannah dans la basilique de l’Asie. Oh ! le merveilleux rite qui tend sur sa tête le ciel de l’Inde et de la Perse, quand les empires se lèvent les mains jointes et s’agenouillent dans leurs ruines comme des diacres à l’autel, quand Babylone met sa mitre d’or sur son front, quand Bactres secoue sur sa montagne l’encensoir de diamant, quand l’Égypte s’assied pour prier bas sous son dais de granit, quand la Chaldée sème autour d’elle ses dieux à pleines mains comme une jeune fille sème par les carrefours les marguerites et les roses de mai de sa corbeille sur le chemin du prêtre. Voyez ! les religions errantes bénissent dans l’Orient le seuil où doit passer le genre humain pour enfler dans la vie, comme on bénit les trois degrés de pierre et le porche d’une église. Le soleil d’Asie est le calice de vermeil qu’un bras tient haut levé pendant la fête sur la tête courbée de l’Arabie et de l’Iran. L’infini se cache dans la nue, le prêtre sous son aube. Silence aux éperviers du Nil sur leurs obélisques ! Silence aux licornes de l’Euphrate. Le sacrifice avance. La Judée est la victime. La voilà immolée sur son Liban. Rompue et partagée comme un pain d’expiation, que chacun, Asie, Europe, goûte un peu de sa chair à ses lèvres, et emporte avec soi dans sa maison un peu de ses reliques ! Et à présent, la fête est finie ; l’Orient lève sa tente. Ninive et Babylone, rendez-moi vos habits d’or et vos aubes brodées. Ecbatane et Persépolis, rendez-moi vos manteaux em-