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AVENTURES D’UN VOYAGEUR.

gonflées par la fonte des neiges, qu’elle avait l’aspect d’un lac immense, et qu’on ne pouvait reconnaître les endroits où elle était quelquefois guéable.

Rien de plus triste que l’aspect du pays : on n’y apercevait aucune trace d’êtres humains. Au nord s’élevaient, à une immense hauteur, des rangées de montagnes couvertes de cèdres et de pins énormes, tandis que le sud présentait des rochers perpendiculaires et gigantesques, couverts de mousse, d’où se précipitaient, à certaines distances, des cascades de sept à huit cents pieds, qui venaient bouillonner dans le torrent qui roulait au-dessous. Les voyageurs traversèrent la rivière à un endroit nommé la Grande-Traverse, à cause de sa largeur. Il était assez dangereux de tenter ce passage ; mais ils avancèrent tous en ligne, les plus faibles soutenus par les plus forts, chacun tenant son voisin fortement serré par la main. Cette disposition était fort sage ; car, pendant le passage, plusieurs perdirent pied, et auraient probablement péri sans le secours de ceux qui les soutenaient. Après s’être séché et avoir déjeuné, on campa assez près de la Grande-Côte, qui est la principale montagne à franchir, quand on vient de la Columbia. Sa base est couverte de cèdres et de pins d’une grandeur énorme ; mais, à mesure qu’on s’élève, leur taille diminue, et, au haut de la montagne, ils sont presque nains. En quatre heures et demie, on arriva à cet endroit. De là jusqu’au sommet il fallut traverser un vaste désert de neige, en envoyant des hommes en avant, pour se frayer un chemin : c’était une scène de désolation aussi sauvage que terrible. Parfois le bruit continuel des cascades était étouffé par le roulement sourd des avalanches, qui, détachées de leurs lits de glace, finissaient par une terrible explosion, qu’on aurait plutôt attribuée à des milliers de poudre éclatant dans les airs qu’à la simple chute d’une masse de neiges.

Le 2 juin, ils arrivèrent à la rivière Rocky Mountain, qu’ils traversèrent en radeau, non sans courir de grands dangers. La rivière Athabasca, qu’ils rencontrèrent après celle-ci, fut également traversée en radeau. Sa largeur était de quatre cents mètres à l’endroit du passage. En parlant des animaux qu’on