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AVENTURES D’UN VOYAGEUR.

très facilement enlevé un canard et même une oie. Nous en abattîmes deux à coups de fusil, et nous pûmes les examiner à loisir ; mais près de là était une petite colline, au haut de laquelle je remarquai que ces oiseaux se rassemblaient en grand nombre. Je pensai qu’ils avaient établi là leur quartier-général. Je m’acheminai seul de ce côté. Arrivé sur la colline, j’y vis en effet un nid énorme fait de branches d’arbres placées les unes sur les autres, et dont la moindre avait un pouce de circonférence. Des os épars, des squelettes, des pigeons à moitié dévorés et d’autres oiseaux morts étaient disséminés à l’entour. Ce que j’abhorre le plus après le requin et le serpent à sonnettes, c’est le faucon. Je résolus d’anéantir ce nid et d’en disperser les habitans : mais à peine avais-je commencé l’œuvre de destruction avec mon coutelas, que jeunes et vieux s’abattirent sur moi, et m’attaquèrent avec fureur de tous côtés, mais surtout au visage et aux yeux, qu’ils semblaient vouloir m’arracher. Je me mis à crier au secours de toutes mes forces, et me débattis tant que je pus avec mon coutelas. Trois hommes eurent bientôt gravi la colline : ils me crièrent de fermer les yeux et de me jeter à terre, si je ne voulais pas être aveuglé. J’obéis sur-le-champ. En même temps une balle de leurs carabines démonta un énorme faucon, qui semblait être le père de la troupe. Il tomba tout près de mon cou, et dans son agonie, tâcha de m’enlever l’oreille gauche, en faisant un dernier effort ; mais je lui échappai, et lui donnai le coup de grâce avec mon poignard. La mort du chef fut suivie de celle de deux autres. Toute la bande se dispersa, et nous nous retirâmes, après avoir anéanti ce repaire. »

Le voyageur parle plus loin des singuliers combats que les loups livrent aux chevaux dans les immenses plaines de ces contrées.

« J’eus un jour, dit-il, tout le loisir d’observer un pareil spectacle. La première annonce de l’approche des loups fut quelques aboiemens aigus répétés à certains intervalles. Bientôt de semblables aboiemens y répondirent dans une direction opposée. Enfin les sons se rapprochèrent peu-à-peu et ces-