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De l’ensemble des poésies de miss Landon, résulte la même impression de passion et de mélancolie que laissera sans doute dans l’âme de celui qui la lira, la pièce que je viens de citer. Mais, quand, d’après le caractère de ce talent, il aura composé l’image de la jeune muse, ne serai-je point mal venue à déranger son type, à détruire son émotion, en lui montrant l’aimable auteur sous un autre aspect ; et les sentimens qu’elle affectionne traités par elle d’un point de vue opposé ? Essayons cependant de présenter le rire après les larmes, la prose après la poésie, me fiant au talent de miss Landon, pour forcer le lecteur à lui pardonner, comme il dira sans doute, de n’être plus elle.

Voici un fragment du roman que vient de publier miss Landon : c’est l’histoire de lady Mendeville racontée par elle-même, au coin du feu, pendant la soirée la plus causante et la plus confidentielle du monde.

« Je vais donc me faire l’héroïne d’un récit, quoique malheureusement je manque de toutes les qualités obligées. Un seul excepté, il ne m’est jamais arrivé de malheur : jamais je ne me suis trouvée réduite à de telles extrémités, que je me sois vue forcée de vendre jusqu’à la croix de rubis suspendue à mon cou par ma mère mystérieuse, ou le médaillon qui contenait deux tresses de cheveux, l’une d’un noir de jais, et l’autre d’un blond d’or, premier gage d’amour de mes infortunés parens. — Je n’ai jamais eu une fièvre, durant laquelle mon amant épiait chaque regard de mon compatissant médecin. — Je n’ai jamais été laissée pour morte ; puis, après une profonde léthargie, rendue à la vie. — Mes cheveux n’ont jamais tenu la frisure. — Je n’ai jamais joué de la harpe. — Et j’ai toujours été plus disposée à rire qu’à pleurer.

« Mon père, lord Elmore, vivait dans une grande et ancienne maison, à la grande et ancienne manière : par grande, j’entends magnifique. Il était seulement un peu moins indulgent pour ses sept enfans que ma mère, qui, je crois, n’avait dit non de sa vie. Ce n’était pas le système d’indulgence pratiqué par la bonne femme de Dandie Dinmont, qui donnait aux enfans la clef des champs, parce que, pauvres créatures ! elle n’avait que cela à