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zième siècle, se compose d’une série d’événemens dont l’analogie avec ceux que nous venons d’indiquer ne se peut contester. C’est une autre version du même récit ; c’est une autre forme du même cycle. Quel fait peut être plus curieux que ces deux formations du même terrein épique chez deux peuples et dans deux langues différentes, à une distance de plusieurs siècles ! Il ne sera pas sans intérêt, messieurs, de comparer cette version allemande à la version scandinave, de montrer ce qu’elles ont de commun et de divers, d’expliquer cette ressemblance et cette diversité.

Vous pouvez déjà pressentir, messieurs, de quelle utilité doit être cette étude pour celle des autres poésies primitives. Ainsi, quant aux poésies homériques, on n’a que le résultat définitif, on n’a point les divers degrés de l’élaboration, plus ou moins longue, plus ou moins compliquée, de laquelle elles sont sorties. La critique est obligée de distinguer, après coup, les divers élémens qui se sont agglomérés pour former ces admirables masses épiques que la portion la plus cultivée du genre humain admire depuis trois mille ans. La critique cherche à découvrir dans ce merveilleux produit des siècles héroïques de la Grèce, les vestiges de plusieurs transformations successives, mais elle ne sait y parvenir que par voie d’induction ; ici les monumens de ces transformations subsistent ; on a dans l’Edda les rhapsodies isolées et les rhapsodies réunies en un corps de poème dans les Niebelungen.

Arrivés à ce point, nous connaîtrons l’histoire du cycle et de ses deux modifications principales. Nous aurons vu sur un vieux mythe scandinave, d’origine orientale, s’implanter le souvenir d’Attila et de Hermanrik, puis en Allemagne, au moyen âge, sur ce fond barbare et idolâtre, s’étendre à demi une couleur chevaleresque et chrétienne.

Élargissant alors le cercle de nos études, nous chercherons ailleurs des débris du même cycle, des retentissemens de la même légende. Nous en trouverons dans presque toute l’Europe, depuis le pied de l’Hecla jusqu’à celui des Appenins, depuis les bords de la Baltique jusques aux rives de la Loire, depuis le fond de la Pologne jusqu’au cœur de l’Angleterre.