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LETTRE
SUR ARGOS ET MYCÈNES,
À M. MICHAUD DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE.


Napoli de Romanie, juin 1830.

J’ai visité Argos et Mycènes pendant que vous visitiez vous-même les ruines cyclopéennes de Tyrinthe. Je vais vous parler des hommes et des choses qui m’ont le plus frappé dans cette course, à travers un des pays les plus célèbres de la terre.

Le 10 juin, à cinq heures du soir, j’étais sur le chemin d’Argos avec quelques compagnons de voyage, venus de France avec nous. De Nauplie à Argos on peut compter trois heures de marche. Nous n’avons rien vu sur notre route qui fût digne d’être remarqué. D’un côté, des marais où les grenouilles faisaient entendre leurs sauvages concerts, des ronces, des bruyères, des joncs et des touffes d’agnus-castus ; de l’autre, des champs couverts de moissons jaunissantes, des gerbes entassées au bord des sillons, des troupeaux de brebis, de bœufs et de porcs, et quelques cabanes éparses çà et là, des chevaux en grand nombre, qui paissaient dans la plaine, et qui me rappelaient le surnom de nourricière de coursiers, qu’Homère donne à la ville d’Argos : tels sont les objets qui s’offrirent à notre vue. Avant la révolution grecque, une forêt d’oliviers couvrait au loin les plaines d’Argos : mais vous savez, monsieur, que la guerre, surtout quand elle est faite par des barbares, change en déserts tous les lieux par où elle passe ; la flamme et le fer ont dévasté ces campagnes, autrefois si belles, et maintenant le voyageur y retrouve à peine un seul arbre.

Argos nous apparaissait au pied d’une montagne, à l’extrémité du golfe. La citadelle de Larissa, qui couronne le sommet de ce mont, brillait des derniers