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FROISSART.

belles, des institutions si généreuses ! et l’église ! quelle n’est pas la splendeur de ses cérémonies, l’autorité de ses ministres, la sainteté de ses cloîtres ! L’enchantement est continuel, infini, et ne laisse de place pour le doute ni pour la critique.

Ainsi Froissart, historien et poète, ne nous peindra la féodalité que des couleurs les plus brillantes ; ne la placera que dans sa sphère la plus élevée. Voulez-vous qu’il en soit autrement, que le pauvre chapelain du comte de Blois se fasse rêveur et philosophe à notre méthode ? Voulez-vous qu’il s’intéresse au petit peuple, aux Jacques, par exemple ; à ces vilains noirs, et petits et très mal armés, lorsqu’il voit à côté d’eux cette chevalerie tout étincelante d’or et d’acier, ces seigneurs si brillans sous leur pesante armure, que chacun d’eux sembloit un roi ? Il racontera avec intelligence et avec énergie l’insurrection permanente des bonnes villes de Flandre, et leur lutte opiniâtre contre leur naturel seigneur ; même la corrélation, la solidarité qui s’établit entre le sort de ces villes séditieuses, et celui des communes de France et d’Angleterre, tant le nom magique de liberté a de retentissement et d’écho dans tous les siècles ! Il vous l’expliquera sans détour, et vous dira dans son langage vif et précis : « Encore se tenoit le roi de France sur le mont d’Ypres, quand nouvelles vinrent que les Parisiens s’étoient rebellés ; or, regardez la grand’diablerie que ce eût été, si le roi de France eût été déconfit en Flandre. On peut bien croire que toute gentillesse et noblesse eût été morte et perdue en France, et autant bien ès autres pays, ni la jacquerie ne fut oncques si grande qu’elle eût été ». Mais que pouvait une vaine sympathie contre l’association énergique de toute la noblesse ? Froissart, mêlé par nécessité ou par goût à tout ce que l’aristocratie de cette époque avait de spirituel et de brave, la vit avec joie triompher à Rosebec et maintenir dans toute sa pureté le principe de son institution et l’honneur de ses armes. On sait du reste comment se termina cette malheureuse tentative de liberté, connue, dans notre histoire, sous le nom de Révolte des Maillotins. Le jeune Charles vi, entouré des princes ses oncles et de tous ses barons, rentra dans Paris en vainqueur plutôt qu’en