Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/308

Cette page a été validée par deux contributeurs.
302
REVUE DES DEUX MONDES.

il devient coupable et ne peut rentrer dans sa qualité de citoyen français[1].

« Selon moi… je ne peux pas m’empêcher de croire que, si la bataille de Waterloo a été si fatale à la France, c’est qu’il y avait à Gand et à Bruxelles des Français qui ont semé la trahison dans nos armées, et qui ont donné secours à l’étranger.

« Suivant moi et selon mon système, la mort de Louis xvi était nécessaire, parce que la nation entière y a consenti… Si c’était une poignée d’intrigans qui se fût portée au palais du roi, et qui lui eût ôté la vie dans le moment… oui, je le croirais… Mais, comme Louis xvi et sa famille sont restés long-temps en état d’arrestation, on ne peut pas concevoir que ce ne soit pas de l’aveu de la nation…, de sorte que, s’il n’y avait eu que quelques hommes, il n’aurait pas péri. La nation entière s’y serait opposée… Aujourd’hui ils prétendent être les maîtres de la nation ; mais, suivant moi, les Bourbons sont coupables, et la nation serait déshonorée, si elle se laissait gouverner par eux. »

Cette dernière partie de son discours fut prononcée à voix basse, et l’on avait quelque peine à saisir ses paroles, malgré le profond silence de l’assemblée. Il salua en se retirant, et on le reconduisit à la Conciergerie pendant la délibération de la cour.

Une heure environ après, M. Cauchy, secrétaire de la chambre, vint dans son cachot lui lire son arrêt de mort, et le prisonnier, assis sur le pied de son lit, l’écouta sans donner le moindre signe d’émotion. L’instant de l’exécution était fixé pour le lendemain matin, huit heures. « Voulez-vous que je vous envoie un prêtre, lui dit M. Cauchy ? — Non, monsieur, je vous remercie. À quoi me servirait un prêtre ? Me fera-t-il aller au paradis ? J’aurais presque envie d’y aller cependant, car j’y retrouverai peut-être le prince de Condé, qui, lui aussi, a porté les armes contre la France !! » M. Cauchy insistant : « Soit ! dit-il ; envoyez-moi le prêtre, je le recevrai avec plaisir : il me tiendra compagnie. » Puis il passa une partie de la

  1. Toutes ces phrases sont textuellement reproduites.