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LUIZ DE CAMOENS.

efforts de ce pauvre serviteur inconnu, que l’Europe est redevable de la conservation des Lusiades.

Nicéron, ou plutôt l’auteur portugais de l’article inséré dans ses Mémoires, nomme Jean, cet esclave auquel Pedro de Mariz et la commune renommée ont attribué le nom d’Antonio.

Les deux naufragés furent reçus avec hospitalité par les familles chinoises établies au bord du fleuve Mécom. Il paraît que ce fut sur cette rive étrangère que Camoens composa ces Redondilhas merveilleuses, selon l’expression de Lope de Vega[1], belle et touchante périphrase du psaume 136, Super flumina. Il a fait en outre deux sonnets (les deux cent trente-deuxième et deux cent trente-neuvième) sur le même texte.

Camoens, à peine remis et séché de son naufrage, se confia de nouveau à la mer : il passa d’abord à Malaca, où les occasions pour Goa étaient fréquentes ; enfin il arriva dans cette ville en 1561.

Il s’acquitta généreusement de ce qu’il devait au vice-roi, en lui adressant ces fameuses stances : Como nos vossos hombros, imitées de l’épître d’Horace à Auguste. En louant l’administration de dom Constantin, il trouva moyen de régler ses comptes avec celle de Barreto.

Ce fut dans ce temps de demi-prospérité que Camoens donna l’agréable festin poétique dont le menu nous a été conservé dans ses œuvres. Il invita plusieurs amis, dont nous savons les noms : dom Francisco d’Almeyda, dom Vasco de Atayde, Heitor da Sylveira, surnommé Draco, Joâo Lopes Leytâo et Francisco de Mello. Il les reçut dans une salle disposée avec élégance, et les fit asseoir devant une table bien servie ; puis, quand on découvrit les plats, chaque convive, au lieu de mets, trouva une petite pièce de vers à son adresse. Nous les avons toutes avec les réponses qui leur furent faites.

Le 17 septembre de cette même année, dom Constantin fut rappelé et reçut pour successeur dom Francisco Coutinho, comte de Redondo. La politique de ce nouveau vice-roi rendit

  1. Prologue du poème de Saint-Isidore.