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Ce fut dans cette pénible situation, à l’extrémité du monde connu, à trois mille lieues de Lisbonne, qu’il reçut la seule nouvelle qui pût aggraver ses peines : celle qu’il aimait n’existait plus.

Nous pouvons juger de la force et de la durée de sa douleur par le nombre des poésies dans lesquelles il a déploré cette perte. Six de ses sonnets[1], une églogue[2] et deux de ses sixtines[3] nous ont transmis ses regrets. Toutes ces pièces sont empreintes de la douleur la plus vive, de l’abattement le plus profond.

Dom José Maria de Souza, celui des biographes de Camoens qui a le plus attentivement étudié cette partie de l’histoire de notre poète, pense qu’il ne reçut cette nouvelle que long-temps après son départ des Moluques et seulement en 1564[4]. Voici nos raisons pour la placer ici.

Nous ne savons avec certitude que deux choses sur la maîtresse de Camoens, qu’elle était dame du palais et qu’elle mourut jeune. Cette dernière circonstance a fait penser à plusieurs biographes qu’elle était morte avant le départ du poète pour Goa. On ne peut admettre cette supposition, contredite par plusieurs pièces de vers évidemment composées dans l’Inde, et qui sont toutes pleines d’elle[5]. On doit, pour accorder les faits avec la tradition, n’éloigner sa mort que le moins possible de l’arrivée de Camoens dans l’Inde. La dernière pièce qui lui soit adressée est la cançâo sixième, écrite à Ternate et qui peut être datée de 1557. Nous croyons donc que cette jeune femme mourut vers 1555, car il fallut bien deux ans pour que ce malheur allât trouver Camoens à l’extrémité du monde.

Dans sa résignation douloureuse à ses malheurs passés et dans

  1. Les vingt-neuvième, soixante-douzième, quatre-vingt-douzième, cent quatre-vingt-sixième, deux cent trentième.
  2. La quinzième.
  3. La seconde et la quatrième.
  4. Voy. une lettre de dom José Maria à J. Adamson (Memoirs of L. de Camoens, t. 1, p. 96.)
  5. L’élégie première et les cançoes x, xi et vi.