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LUIZ DE CAMOENS.

rait été bien aise de la voir ; mais j’ai eu beaucoup de lettres à écrire pour le Portugal et le temps m’a manqué. Je me propose de répondre à Luiz de Lemos. Si ma lettre ne lui parvient pas, qu’il sache que la faute en est à la traversée dans laquelle tout se perd. Vale. »

La première mesure importante que prit le nouveau vice-roi, fut l’armement d’une flotte qui devait aller croiser à l’entrée de la mer Rouge pour fermer ce détroit aux Maures.

Avant que Gama eût découvert la route de l’Inde par l’Océan, le commerce de l’Europe avec les contrées orientales se faisait par la Méditerranée et la mer Rouge. Les Vénitiens, facteurs de l’Europe, allaient prendre à l’entrepôt d’Alexandrie les denrées que les Maures, facteurs du Levant, allaient chercher sur les côtes de Malabar. La découverte de la route de l’Inde par le cap de Bonne-Espérance ruina ce commerce et entraîna la mort de Venise. Aussi quand, de nos jours, Napoléon heurta cette reine de l’Adriatique, il se trouva que ce n’était plus qu’un cadavre.

En 1555, les choses n’en étaient pas arrivées à ce point : les Vénitiens et les Maures cherchaient à soutenir la concurrence des Portugais. L’Égypte envoyait encore tous les ans une flotte dans les mers de l’Inde. Dom Pedro Mascarenhas résolut d’en fermer l’entrée. Le commandement de cette expédition fut confié à dom Manoel de Vasconcellos ; Camoens en fit partie. La flotte appareilla en février 1555.

L’issue n’en fut pas heureuse. Les Portugais ne purent rencontrer les Maures. Après plusieurs mois de croisière inutile, il fallut aller passer la mousson d’hiver à Ormuz. Ce fut pendant la durée de cette longue station, en face du cap Guardafù, au milieu d’une mer souvent agitée et à la vue des âpres cimes du mont Félix, que Camoens, reportant ses pensées vers l’Europe, composa son admirable cançao dixième :

Junto de hum secco, dura, esterd monte.

En voici quelques strophes :

« Si du moins de tant de fatigues je retirais seulement l’avan-