Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/164

Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
REVUE DES DEUX MONDES.

Il obtint en 1549 la liberté de revenir à Lisbonne. Peut-être son éloignement n’était-il plus nécessaire à la tranquillité de sa maîtresse ; nous le croyons, et nous pensons que c’est à cette époque qu’il faut rapporter plusieurs sonnets où il se plaint de l’inconstance et du manque de foi. Il avait vingt-cinq ans ; on se battait en Afrique, au Brésil et dans l’Inde ; il résolut de s’embarquer pour Goa. Le registre de la maison des Indes, que nous avons déjà cité, porte en 1550 son nom parmi ceux des volontaires inscrits pour le départ. Cependant un reste d’espoir lui fit préférer de passer en Afrique, où commandait dom Pedro de Meneses, oncle du jeune dom Antonio son ami. On peut lire ses adieux au Tage dans son cent-huitième sonnet : Brandas agoas de Tejo.

Dès cette première campagne Camoens se conduisit en brave. Aussi a-t-il pu dire plus tard sans qu’on le taxât de forfanterie : « Ma peau a le privilége de celle d’Achille, qui n’était vulnérable que par le talon. Personne n’a vu les miens, et j’ai vu ceux de bien des gens[1]. »

Il se signala particulièrement dans un combat naval où il reçut un coup de feu dont il perdit l’œil droit. Il a fait plusieurs fois allusion à cet accident, notamment dans des vers à une dame qui le raillait de cette infirmité. Il reçut, dit-on, cette blessure en combattant auprès de son père, Simâo Vaz, capitaine du vaisseau sur lequel il servait comme volontaire. C’est la dernière fois qu’il sera question de Simâo Vaz : il est probable qu’il mourut peu après, et que sa mort fut au nombre des causes qui décidèrent notre poète à partir pour l’Inde.

Pendant son séjour en Afrique, la plume de Camoens fut aussi active que son épée. Il y composa sa seconde élégie : Aquelle que de amor, et les tristes et belles stances sur le désordre du monde : Quem pode ser no mundo tâo quieto. On croit qu’il les envoya d’Afrique à son ami dom Antonio de Noronha. C’était un présent bien austère pour un jeune homme de quinze ou seize ans.

Camoens, attiré sans doute par l’espoir, revint à Lisbonne en

  1. Première lettre écrite de l’Inde.